Les Joyeux Urbains, cinq sur cinq
5 mai 2017, MJC de Venelles, « Vingt ans des Joyeux Urbains »,
Les quatre Joyeux Urbains sont cinq comme les trois mousquetaires sont quatre, ça a été le gag de la soirée. Parce que pour fêter leurs vingt ans, le quatuor fête le retour de David Roquier.
Outre le discret mais efficace Mathieu Rieusset aux guitares souvent électriques, Ex fan des Pixies oblige, les deux piliers et créateurs du groupe sont Emmanuel Urbanet, mince et élégant bipède, presque Thin Duke, au jeu sobre et retenu, et Arnaud Joyet, boute-en-train tout en rondeur, quasi-sosie de son père Bernard par le physique et l’expression facétieuse. Arnaud est capable de danser sans fatigue des parodies endiablées de jerk et de rock, et les deux chanteurs, comédiens, auteurs et compositeurs rivalisent à un rythme effréné aux jeux de guitares, basses, et ukulélé, Arnaud y rajoutant le clavier.
Tous ces joyeux lurons (rajouter David et Manu aux glockenspiel, percussions, batterie, cajón) sont capables de jouer avec un naturel qui laisse peu au hasard mais bien plus au travail et au talent, avec l’aide de Sébastien Lalanne leur metteur en scène. Mais à les voir pouffer de rire en se regardant, je parierais qu’ils y glissent parfois une part d’improvisation.
Car, dans ce spectacle inénarrable (mais on va quand même essayer), débordant, irrésistible, les chansons sont insérées dans un show humoristique réglé au petit poil. La soirée diapos, rappel de la longue carrière du groupe, photos pas toujours flatteuses à l’appui, et vidéo sans le son pour un oubli de câble. Fausses querelles, réels problèmes humains que tout groupe doit affronter, ils se résolvent toujours en chansons. Il suffit de chanter en direct sur l’image, l’inverse d’un playback en quelque sorte. Effet hilarant garanti !
Quand les chansons sont loufoques, c’est assez souvent Arnaud qui s’y colle. On se fiche alors d’une Petite amie catastrophique, de copains mettant tout le monde dans l’embarras (Un peu fort mais ouais). La dérision touche les sujets les plus tabous, comme cette maladie qui fait peur, dans la reconstitution d’un délirant spectacle supposé jeunesse, avec voix sépulcrale incitant par sa seule écoute à l’arrêt immédiat de la cigarette. Ou cette chanson sur l’enfance des pires dictateurs : « Déjà gamin Hitler était un boute en train ».
Emmanuel alterne avec des titres fort émouvants : nostalgie des souvenirs d’enfance en 1982 sur fond de projections de papiers peints d’époque. Interrogations sur la personnalité « Tu es chiant, tu es transparent, tu n’as rien à raconter / Soyons lucide, tu es translucide, tu donnes envie d’se suicider ». Ou Marguerite filant la métaphore fleurie : « De nos années fleur bleue à nos années fanées » sur la tendresse d’un vieux couple arrivé au crépuscule de sa vie. Le temps perdu d’Arnaud interroge les priorités d’une vie et fait penser à Brassens.
Il y a aussi des titres mixtes alliant refrain mélancolique à la Vincent Delerm et refrain diabolique, tel un syndrome de Gilles de la Tourette (Gastéropode) dans un ressort comique des plus réjouissant. Des chansons quasi sociologiques, sur l’influence d’un prénom sur la vie : « C’est gentil un Michel », ou le destin raté des gens portant un nom évoquant celui d’une célébrité, Au bord de la gloire sur une musique inquiétante et une chorégraphie impeccable avec des jeux de mots à la Boby Lapointe.
Et s’il suffisait de Faire un bon café, ou d’acheter un chien, pour que tout s’arrange dans la vie, comme ils le préconisent ? On sort de ce spectacle en jubilant, ayant un instant oublié tous ses soucis. Merci les cinq, n’arrêtez pas.
La page facebook des Joyeux Urbains, c’est ici. En concert le 6 juin 2017 au festival Paroles & Musiques de Saint-Etienne avec Didier Super et le 3 août à Barjac m’en chante avec Volo.
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