Christopher Murray, l’amour de l’amour

François Gonnet et Christopher Murray (photos Niko Rodamel)

Cinquième album pour le mi-Stéphanois mi-Écossais qu’est Christopher Murray. Saluons d’emblée le grand luxe de ce digipack et ce de livret d’une rare élégance. D’une typographie sobre et raffinée, et je ne vous parle même pas des photos très classe de Niko Rodamel (qui, dans le passé, a déjà signé des photos pour NosEnchanteurs) illustrant le charme discret de la bourgeoisie dans lequel s’insère irrésistiblement celui de cette nouvelles livraison de Murray.

Qui connaît Christopher Murray est forcément enthousiaste du personnage ; on pouvait être plus nuancé de l’œuvre chantée, pas encore tout à fait à la hauteur de nos espérances, de notre certitude. Là, c’est totalement raccord. On avait dit le plus grand bien de son précédent opus (D’un océan à l’autre, il y a cinq ans déjà) et on avait raison. Là il pulvérise son plafond de verre et définitivement cesse d’être sage, normé. Murray se libère, se défoule. L’estimable (et passionnant, pour qui le connaît) enseignant de musique devient le chanteur accompli. Il est sorti du cocon. Il a fait sa mue et a mis du whisky et bien pire dans son thé : de l’électrique et ça lui va bien. C’est d’autant plus surprenant que, pour ce nouvel album, aucun titre ne sort du rang par des mots plus somptueux que d’autres ou des saillies mémorables (comme sur le précédent, avec entre autre Hymne à la croissance ou Taureau assis). Non, y’a rien que de l’amour dans cette livraison de chansons, avec plein de donzelles qui squattent la tête du chanteur, y campent parfois : « Tu sais pourtant qu’c'est provisoire / Qu’tu pourras pas emménager / Un jour ou l’autre, sans faire d’histoire / Faudra filer ».

Ça s’ouvre par Toc toc à ma porte, un p’tit courant d’air léger qui se mue en ouragan, une histoire d’amour un peu comme les écrivait Brassens. Des visages de filles, des traits de femmes, que Murray tire souvent de ses souvenirs. Du temps des bancs de l’école, de celui d’avant d’être un homme, « le cul le cœur transis / et nos rêves énormes ». De plus loin même, fusse sur une photo couleur sépia. Christopher Murray regarde les femmes avec tendresse et grand respect. Il sait les décrire avec envie, il sait transcrire et, le sait-il, nous les fait désirer. A nous de dresser nos tentes à côté de son campement : y’aura du monde sur le terrain !

Ce n’est pas grand orchestre mais presque : son fidèle guitariste François Gonnet n’est cette fois pas seul, que viennent rejoindre percussions et cordes, comme s’il en pleuvait : « J’aime flirter avec l’orage / Mais v’nez donc par ici / ‘vec votre parapluie ».

Notoire complicité, celle avec son camarade de jeu qu’est Gil Chovet : tous deux nous chantent un Sur la photo (paroles de Chovet) qui n’est pas sans rappeler, au moins dans la forme, le Tout dans l’chapeau que Leprest avait confié jadis à Murray. Autres amitiés durables : la chanteuse Lalo a écrit Les voyageurs et feu Jean Andersson Haut les cœurs. C’est d’ailleurs à ce dernier que le disque est dédié, ainsi qu’à Jean Navrot, autre belle figure stéphanoise des actions de la culture et de l’amitié.

Amour, fidélité, transgression, talent il va de soi… tout est agréable en ce disque.

Christopher Murray, Ton campement dans ma tête, autoproduit 2017. Le site de Christopher Murray, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Concert de lancement d’album vendredi 12 mai 2017 à 20 h 30 au Chok-Théâtre à Saint-Etienne. Avec le duo Murray-Gonnet et des invités (Gil Chovet, Lalo, Matthieu Burgard et “Les Tonton Flingueurs”, Pascal Coquard et François Forestier).