Les Stentors, ces voix qui plombent toute chanson
Dans la mythologie, Stentor est le crieur de l’armée des Grecs lors de la guerre de Troie : « (…) valeureux Stentor, qui, de sa voix de bronze, faisait autant de bruit que cinquante hommes ». Beaucoup de bruit pour rien quant à ce groupe affublé du même nom, composé de deux barytons et d’autant de ténors, qui n’impressionne les gogos que de leur nom et leurs grosses et, ma foi, assez vilaines voix.
Je dois avouer que, malgré cinq albums, de grandes salles et de nombreux passages télé, je ne connaissais pas ces Stentors. Est-ce d’avoir vu fleurir tant de drapeaux tricolores lors de récents discours en plein-air, à Marseille, Toulouse et ailleurs, portés par tant de jeunes aspirant à plus de justice sociale et de fraternité ; est-ce, à l’autre bout de l’échiquier politique, d’avoir vu le même drapeau se mêler honteusement à des bannières sombres, porteuses de chagrin à venir ? Toujours est-il que la thématique du patriotisme semble bien se porter. Les Stentors ne faisant que surfer sur les vagues du succès, cette fois-ci ils chantent Ma patrie. De La complainte du partisan (Leonard Cohen) à Ma France (Jean Ferrat), de Douce France (Charles Trenet) à l’incontournable Marseillaise (Rouget de l’Isle), la sélection de ce disque est ce qu’elle est mais, semble-t’il, vaut l’écoute.
Hélas, tout est chanté en force, sans nuance et sans âme, avec brutalité. On se demande même si ces quatre-là savent vraiment ce qu’ils chantent. Et s’ils savent que la chanson n’est en temps normal qu’émotion… Pas par eux. A vouloir briller, ils en sont ternes. Le sommet du ridicule est atteint par la reprise de J’habite en France, chanson goguenarde et franchouillarde, dont Michel Sardou fit grand succès en 1970 : eux la coulent dans le bronze, la plombent, la lestent de leurs lourdes et insupportables voix. « Mais la France c’est aussi un pays / Où y a quand même pas cinquante millions d’abrutis… »
Quant aux orchestrations, qui tiennent avant tout par d’indigestes programmations en conserve, tout est à vomir. Tant qu’on a vite envie de se réfugier dans les interprétations d’origine.
Il n’y a pas que des reprises dans ce disque, mais aussi des créations (parmi lesquelles Apatride, de Vianney), la plupart hélas surjouées, appuyées. Pour ce qu’on imagine être la clientèle de ce quatuor plombant, on ne saurait que trop mettre en exergue, à l’approche de ce deuxième tour où se joue l’identité même de notre patrie, son avenir, en bleu financier ou en vert-de-gris, ces quelques vers qui, s’ils sont compris, devraient faire réfléchir l’électorat de la blonde : « Combattre l’ignorance, libérer les frontières / Pour nourrir notre esprit en suivant la lumière / Il est temps aujourd’hui de partir en campagne / Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne ». Quitte à sauver quelque chose dans ce disque, prenons ça : ça a en plus le mérite d’être sincère de la part de ce quatuor qui, sur le livret, en guise de remerciements, manifestent sa « reconnaissance à la France d’être et de rester une terre d’échange, de partage et de liberté ». MICHEL KEMPER
Les Stentors, Ma patrie, MCA/Universal 2017. Le site des Stentors, c’est ici.
D’accord avec cet article, la chanson française en mode lyrique perd de son authenticité, de son âme.
Focalisé uniquement sur les voix, j’apprécierais-une fois n’est pas coutume- qu’ils chantent en anglais ou en italien.
En français, ils pourraient chanter le bottin, ça dégagerait à peu près la même émotion…
Rétrolien Honteux et scandaleux!… | VOIX D'HOMMES
Ainsi donc Les Stentors appellent à la réaction (en tout cas transmettent cet appel sur leur site), suite à cette critique, certes négative, que j’ai fait sur NosEnchanteurs. Ils viennent seulement de découvrir l’article et publient (on ne sait qui a écrit ça, ce n’est pas signé, ce qui est pour le moins courageux) donc, sur leur site, en date du 4 janvier 2020 : « En surfant sur le net, je suis tombée sur cet article au sujet des Stentors. Ils ne méritent pas ça! Jamais je n’avais lu quelque chose d’aussi monstrueux et mensonger à leur égard! Même si cet écrit date de 2017, et qu’il n’y en a semble-t-il que peu de ce genre, il ne faut pas laisser passer ça! Aussi, je vous demande d’être nombreux à répondre à cet personne, à lui dire ce que vous pensez de sa prose… que les Stentors ont beaucoup de talent et de magnifiques voix!… et surtout combien vous les aimez!… Merci à tous!… » https://lesstentors.wordpress.com/2020/01/04/honteux-et-scandaleux/
Oh, le grave crime que voilà ! Une critique négative, la belle affaire ! Et c’est de suite appel au peuple : il faut sans délai laver cette terrriiiiiible offense !
Stentors ou pas, quand on s’expose au public, on s’expose à la critique publique. Et on doit l’accepter, sauf à se prendre pour intouchables. On peut aimer un artiste. En être fan, pas fanatique, pas appeler à une forme de vengeance.
Grand bien fasse aux Stentors si des gens aiment ce qu’ils font, la preuve par leurs chiffres de vente. On peut aussi diversement apprécier ce qu’ils font de leur art. Et le dire, l’écrire ! Ça ne nomme la liberté d’expression. Dans le cas présent, on parle aussi de Liberté de la presse. Rappelons que ces libertés n’existent pas dans les pays totalitaires.