No man’s Louise, au vent de la Terre
6 avril 2017, La Cave aux artistes à Aix-en-Provence,
A point pour accueillir ce jeune duo féminin en robes légères (Dilan Roche au violoncelle, aux arrangements et Caroline Guibeaud, auteure compositeure, au chant et à l’accordéon), Richard Masdau, l’hôte du lieu, a d’abord réchauffé l’ambiance à son habitude, avec notamment son succès Aix-en-Provence.
C’est Dilan, belle aux longs cheveux ondulés, au charme un peu slave, qui dit le texte de présentation, droit sorti de sa botte de cow-girl. « C’est une terre brûlée balayée par le vent des homme (…) On a vu alors dans l’immensité des morts tournoyer une robe / une robe trop vive, une robe volée / une robe légère /une robe d’été. »
Et s’élève le bourdon de l’accordéon de Caroline, animal noir sauvage aux boutons de nacres obéissants à ses doigts délicats, qui s’ouvre, respire profondément à cœur battant, à cœur aimant.
Le violoncelle le rejoint, pleurant, vibrant sous l’archet, gémissant en profondeur, en une plainte qui s’amplifie, se répète en un rythme lancinant, jusqu’aux premiers mots, aux premiers cris de Caroline.
Aux battements de l’accordéon répond le violoncelle, clapé du plat de la main, pincé, quand elle scande ses mots de rage et de liberté, de terre et de rivières, de mer et d’embruns, dans cette vallée lointaine où Les enfants de la plaine ont laissé leur nom. En ces temps de commémoration on peut imaginer quelque chemin de dames ou autres lieux où tant de jeunes printemps ont perdu la vie.
Mais jamais Caroline ne nous impose de sens, elle nous laisse libre d’interpréter ses contes de la folie des Hommes, comme cette fable dramatique sur la Rue Paradis de Marseille, où se perd une femme, ou ces Marais salants symbolisant la vieillesse.
Caroline, frêle jeune femme aux longs cheveux bruns, aux cheveux sagement coiffés en bandeaux, grands anneaux aux oreilles, sobrement vêtue de noir, cache un sacré caractère sous sa réserve apparente. Le nom du duo a été choisi en l’honneur de Louise Michel la combattante, et de Louise Reisner, la première femme qui joua et composa pour l’accordéon au début du XIXe, en relation avec les thèmes récurrents de ses chansons de résistance et d’Espérance : « Elle se niche au fond du ventre / Insistante, indolente / Abritant son envie d’aimer / Sous les balcons désenchantés ». On ne s’attend guère à trouver chez une toute jeune femme une écriture aussi précieuse au sens vrai du terme, recherchée, inspirée, engagée. Nous pensons à Anne Sylvestre, à Jacques Brel, pour son visage expressif et son articulation « Tu t’habilles d’abat-jours / Lève ton mât de cocagne / Maquillant ta cime en tour / Frêle, frêne », pour les thèmes de mer aussi, ou même à Barbara, excusez du peu ! Et si je dis nous, c’est que ces noms sont venus aussi à l’esprit de plusieurs spectateurs emportés par la présence de ce jeune duo.
L’accordéon se fait tzigane. Avec des sonorités rappelant la musique klezmer, tout à la fois joyeuses et mélancoliques, pour évoquer la mémoire de migrants venus à Marseille dans ce quartier qu’on nomme La Plaine, traversant la Méditerranée. Ou de ces Nomades des origines du monde, avant « Des peurs irraisonnées / Pour un épi de blé / Adieu humanité ».
Nous voici arpentant de grands espaces hors du temps, tant States d’outre–continent qu’arrière pays de Giono, où sous Les amandiers transhument les brebis « Et sous les pierres de tes années / Tes souvenirs sont vallonnés. » que mers grises, ports désertés « Marin, noueur de trêves / Dockers, ramoneurs de rêves. »
En rappel Que le Printemps revienne, leur « tube », et une belle chanson de marin, Maxence. Il est des soirées de concert où l’on ne regrette pas d’avoir éteint sa télé.
Le site de No man’s Louise, c’est ici ; ce que Nosenchanteurs a déjà dit d’elles, c’est là. En concert les 3 et 10 juin 2017 à La Croisée des Chemins Paris Xe.
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