Jean Roch Waro, des notes bleues hululées
Remarqué pour Berlin qui a fait pour nous l’objet d’une chanson du jour, nous retrouvons dans le disque, majoritairement en anglais, de ce folk-jazz singer, une nouvelle chanson qui comme son nom ne l’indique pas, est en français, Bottleneck & pedal steel [le bottleneck se glisse sur le doigt pour jouer de la guitare blues, et la pedal steel est une sorte de guitare sur pied qui se joue un peu comme un piano, NDLR].
Suis-je de parti pris si je dis que c’est ma chanson préférée de l’album ? Aculturée par une éducation bêtement hexagonale ? En fait, je soupçonne Jean-Roch de jouer plus avec les sonorités des mots qu’avec leur sens, même en français « Langoureuses mélopées / Dangereusement faciles / Je ne veux pas vous chasser / De mon esprit volubile / Tendrement parasité / Par un chiendent qu’une idylle / Fait pousser en liberté ».
Jean-Roch, c’est une guitare électrique le plus souvent, époustouflante, et une voix terriblement expressive à la diction impeccable quand il s’exprime en français… douce, un peu râpeuse, séduisante, celle d’Un ange dans la vallée, son succès d’il y a dix ans. Un combo voix plus guitare à la Hendrix dont on ne peut se lasser, un besoin de faire une musique sans contrainte, où le pop-rock se jazzifie de plus en plus, reléguant un peu les textes au second plan. Et un physique de poor lonesome cowboy de la Fensch, célèbre vallée dont il vient, non sans être passé par la suite à New York. Il est notamment accompagné de Stephen McCraven, le batteur d’Archie Shepp, et de Jack Gregg à la contrebasse, et le disque a été enregistré dans les conditions proches d’un direct.
Je reconnais que Joy et ses chœurs très 50’s a un effet euphorisant, mais voici que sur cette guitare entêtante la voix de Waro m’entraîne Avant… Et là, j’ai le regret, ou l’avantage, de vous dire que ce prédateur fluvial (« Les dents longues / L’écaille dure / Je remontais le courant » adapté d’un texte de Xavier Durringer) m’emporte dans son univers, même sa guitare me paraît plus expressive ! Dans Cosmic recall se calent quelques mots de français… « Souvent je plie dans la tempête / Et je cède à l’appel du vide… »
En anglais curieusement je pense à Al Jarreau dans ce 72 73 74 chanté en une voix de tête, si différente de celle utilisée précédemment. Ce jazz métissé d’influences africaines, son de la Réunion ou du Brésil, je le vois dans un cabaret enfumé clignotant de lumières de couleur. Alors que la partie française me fait respirer l’air pur à plein poumons des grands espaces…
C’est encore le cas pour Bella qui fait surgir des « Oh la la » au milieu de ses références anglaises ou italiennes… Dans les Fairy Tales apparaissent des « Enchantement », tels les étoiles échappées de la baguette des fées qui transforme la citrouille en carrosse… La voix de Waro est ici enveloppante et nous n’échapperons pas à cet ensorcellement ! De cette voix dont il abuse et ré-abuse dans Be my love que chanta Mario Lanza, à faire passer en fond sonore lors de votre prochain rendez-vous pécho sur un réseau social de rencontres… C’est aussi l’occasion d’un vrai beau morceau d’impro jazz à la contrebasse dont vous ne sortirez pas indemne (ah, les grand’mothers savent séduire !).
De là à tomber en Inconditional love (là où le jazz se fait free, rock, décapant avec ses addictifs Wow de guitares) pour l’album de Waro ! Je reconnais que même s’il tombe dans l’anglomanie ambiante, l’album prend des risques en s’éloignant des styles à la mode pour explorer les envies de l’artiste…
Jean Roch Waro, album éponyme, autoproduit 2017. Le site de Waro, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Concert de sortie d’album au New Morning à Paris 10e, le 18 avril 2017.
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