Mendelson ramène sa science !
And now, ladies and gentlemen, un album de chansons politiques ! Houlà, à notre époque si frileuse, où la contestation a cédé le pas à la dérision, c’est quasi un gros mot que je viens d’écrire. Tel est pourtant le label que revendique le groupe Mendelson pour son sixième album, clairement intitulé Sciences politiques.
Chansons politiques donc, mais non militantes ou engagées. N’espérez pas y trouver la moindre consigne de vote ou le plus infime mot d’ordre. S’il est question de politique, c’est au sens large et noble que le terme doit être compris. Douze morceaux pour décrire notre monde actuel, dans toute sa noirceur et son déficit d’espoir. Il sera donc question de guerre, de chômage, de migrants et de S.D.F., d’héritiers nantis et de laissés-pour-compte… Les titres des morceaux, par leur laconisme et le systématisme utilisé, parlent d’eux-mêmes et claquent comme un manifeste artistique : La nausée, La guerre, La panique, Le capitalisme, La liberté… Album conceptuel s’il en est.
Le concept est double en réalité. Car c’est un disque de reprises/adaptations qui nous est offert. Les douze titres sont autant de chansons anglo-saxonnes, que Mendelson remet à son goût et accommode à a sauce, les paroles étant librement traduites par le chanteur du groupe, Pascal Bouaziz. Adaptation et actualisation pas forcément fidèles à la lettre (par ex., le 1969 des Stooges a muté en 2015), mais toujours dans l’esprit du morceau originel. La plume est incisive et acérée, le ton amer, l’humour rare et ironique (Les loisirs). Noir c’est noir, comme chantait l’autre (aussi une adaptation !).
Les titres viennent de douze auteurs différents, des populaires Léonard Cohen ou Bruce Springsteen aux plus confidentiels Alan Vega ou Robert Wyatt. Douze chansons aux univers musicaux parfois éloignés. Ainsi, le groupe fait appel au noisy-rock des Sonic Youth, pour une adaptation à boulets rouges de leur Youth against Fascism, tandis qu’on se reposera les oreilles avec la folk planante de David Crosby, dont le What are their names est devenu La décence. La réussite n’est pas toujours aux rendez-vous (étrange La carrière, qui sonne comme une chute du Play blessures de Bashung…) mais c’est assurément toujours surprenant, aventureux (les 13 minutes de La dette) et cohérent.
On retiendra en particulier les deux chansons qui ouvrent le bal : Les peuples (adapté du Al most like the blues de Cohen) et Le soulèvement (The ghost of Tom Joad de Springsteen). Deux constats désabusés (J‘ai vu des gens crever (…) / Je pouvais pas voir leurs yeux / Je checkais mon Facebook) exprimés avec le froid détachement des responsables du chaos (La soupe populaire au parc municipal / Bienvenue dans le nouvel ordre mondial / Pas de boulot, aucun avenir, aucun espoir). Deux chansons empreintes de notre époque. Deux chansons qui nous ouvrent les yeux. Deux chansons politiques, donc. On y revient.
Mendelson, Sciences politiques, Ici d’ailleurs 2017. Le site de Mendelson, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Pascal Bouaziz, c’est là.
Présentation #1Présentation #2 « Le soulèvement »
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