Avec le Temps 2017. La musique idéale de Facteurs chevaux
10 mars 2017, festival Avec le temps, La Mesón, Marseille
Nous voici dans le temple du flamenco, ambiance bodega, quartier des Réformés, en plein centre de Marseille, petit lieu convivial qui accueille toutes les musiques. On s’y sent bien et prêts à découvrir ces artistes peu médiatisés qui osent la différence. Prêts et tout près, à moins de deux mètres des musiciens installés sur le tapis persan qui fait scène.
Facteurs Chevaux, ce sont Fabien Guidollet, cheveux courts et petit costume sombre discrets, et Sammy Decoster, allure de cow-boy barbu, cheveux mi-longs, jeans et santiag, leurs guitares. Duo de voix fusionnelles, grande proximité et complicité, passant à tour de rôle sur le devant de la scène. Partis sous la pluie sur la cime de nos rêves, à bouche fermée, à chœurs ouverts, à voix douces, à nous donner des fantasmes : « Baisons sous la pluie, buvons la sève ».
Tour à tour hérauts modernes, acrobates, jongleurs de Notre-Dame ou séducteurs joueurs de flûte, le duo folk-troubadour saura vous conduire dans des contrées lointaines et intemporelles si vous vous laissez voguer sur ces chants appuyés, parfois inquiétants, parfois caressants. Est-ce leur habitude de chanter dans des églises, leurs voix prennent des effets « cathédrales », s’emballent dans des sonorités instrumentales. Sammy place la sienne en haute-contre, la laisse se développer sans retenue ; les guitares deviennent cithares ou percussions médiévales.
Le spectacle se fait randonnée théâtrale, balade dans le public, dont des enfants quelque peu inquiets de ces contes drôlatiques. Sammy joue même les équilibristes dans un parcours risqué sur les tables, sa tête menacée plusieurs fois par les poutres de la charpente du lieu !
Nous sommes emportés en une langue à la poésie simple et raffinée dans des maisons englouties, au milieu de renards, satire des prédateurs humains, dans un monde à la François Villon. Nous marchons au creux de chemins sombres où tremblent les feuillages, ou au chœur de légendes germaniques au pays du roi des Aulnes.
Le monde actuel reste présent, avec cet hommage aux déserteurs de la grande guerre (Les dames de pluie) ou ces préoccupations éternelles et cruciales : la sauvegarde de notre nature, l’if qui abrite la chouette, l’arbre dont nous scions symboliquement la branche qui nous a nourris, jusqu’à cette imprécation qui nous rappelle utilement que nous ne sommes qu’ « un petit bonhomme de glaise façonné de fadaises ».
La chanson dédiée à une aviatrice accidentée lors de la traversée de l’Atlantique, chantée sobrement, murmurée presque a cappella « Emmène-moi au firmament / Sur tes ailes nous suivrons les grands aigles blancs » suscite tant d’émotion qu’il nous faut bien redescendre sur terre avec, en rappel, une nouvelle chanson annoncée « très joyeuse et très simple », mais où la belle qui laisserait entrer l’hirondelle sous leur toit n’est pas venue…
Cette découverte, qui n’en est pas tout à fait une pour les lecteurs de NosEnchanteurs, nous laisse sur une autre planète, de pluie et de lumière, éblouis, randonneurs de l’éternelle humanité, loin des vicissitudes du temps. Merci aux Facteurs de bâtir leur palais idéal à l’aune de leur envoûtante musique.
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