Avec le temps 2017. Miossec, rattraper le bonheur
9 mars 2017, Théâtre du Merlan, Marseille 14eme,
Configuration assise pour tous, spectateurs comme musiciens. Miossec a troqué son éternel chapeau contre une casquette, et se place discrètement, guitare sur les genoux, entre la violoniste-mandoliniste Mirabelle Gilis et le guitariste-bassiste Leander Lyons, à la gauche duquel se trouve Thomas Schaettel jonglant entre clavier et orgue.
Après le rock, symphonique, dur ou lyrique, le folk acoustique métissé de musique du monde, Miossec revient ici à un son plus électrique, tout en gardant les sons déchirants du violon. Les claviers ont remplacé l’accordéon pour un son qui rappelle parfois l’électro des années 80. On pense par moment à Gainsbourg ou Bashung. Les envolées font oublier qu’on est en petite formation, le violon pleure, gémit, grince parfois, l’orgue domine assez souvent en d’amples variations, coupées de brusques arrêts qui rythment les morceaux.
Ici on ne joue pas du piano debout, on ne violone pas comme Monsieur Pointu, on ne se roule pas par terre avec sa guitare. Miossec semble accablé par la vie, la tête penchée en avant, les épaules basses, jouant ou non de sa guitare, intervenant entre les chansons de cette voix timide, presque inaudible, qui nous touche tant, lançant ses Mercis vibrants. « On y va, on y va / Quitte à se casser le cou / Quitte à s’en mordre un jour les doigts». On a bien envie de le suivre tout de suite, avec l’élan de cette voix fiévreuse et le déchaînement du violon, à la recherche non du temps perdu, mais du Bonheur, échappé en ce début d’année 2016. Huit chansons du dernier album, Mammifères, cinq du précédent, Ici bas, Ici même (2014) révèlent le nouveau Miossec comme celui de toujours, cette valse-hésitation entre le constat amer d’une réalité déprimante, et l’espoir malgré tout. Cette Innocence perdue, constat presque naïf d’une légèreté regrettée, rejoint celui, pudique de La vie vole, qui évoque discrètement les attentats de novembre. Miossec réussit la gageure de nous consoler de notre paradis perdu, même si la vie nous envoie des baffes et des torgnoles. Le Cascadeur qu’il est sait désormais qu’il est capable « de survivre aux grandes émotions ».
« Je sens que je me tire / Je sens que je me taille / J’enlève mon écorce / Je perds mes écailles ». Les révoltes sont criées de cette voix écorchée, marquée par la vie, qui sait aussi se faire murmurante et douce pour immédiatement bercer notre douleur quand l’amour est fini comme dans La nuit est bleue. On pense à Bashung, même si le sujet est inspiré d’un standard de jazz.
Plutôt que l’émouvante Papa, Miossec a choisi Maman (2006) « En voulant te faire plaisir en sortant de l’ordinaire / J’ai côtoyé le pire j’ai fait le nécessaire / Pour un jour te faire sourire ou tout du moins je l’espère / Oh ma oh ma / Oh ma maman » un aveu en tendresse et douceur soutenu par les chœurs, le violon et l’orgue.
De ses plus anciens albums, il tire des histoires de fin d’amour, dans la banalité (Les bières aujourd’hui s’ouvrent manuellement, 1998), la jalousie et ses originaux fantasmes (Que devient ton poing quand tu tends les doigts, 1995), les lieux témoins de ses amours (A Montparnasse, ou Brest – rien de folklorique, même s’il nous dit le contraire). Un son de cloche, un chant a cappella, une montée en rythme et en puissance, un « Je t’embrasse jusqu’à en mourir » dans un déchaînement des instruments qui emporte le public, c’est « Je m’en vais avant de te découvrir / Je m’en vais bien avant de te décevoir / Je m’en vais bien avant de te trahir». « Seul ce que j’ai perdu, m’appartient à jamais » nous disait-il en 2009… Et quand on finit célibataire, « On ne sait plus à qui dire je t’aime ».
Crûment Miossec nous parle de Nos morts, car sur cette terre nous ne sommes que Des touristes. Retrouve une veine engagée, se demandant « Où sont passés nos rêves (…) Qui vas tu applaudir /Aux prochaines élections / Qui vas tu choisir /As tu un jour trouvé le bon ». Ou dénonce « La mélancolie n’est pas capitaliste / C’est même gratuit pour les perdants »
Un concert cohérent d’une grande générosité, où le public retrouve ses propres émotions, avec pas moins, si j’ai bien compté, de vingt deux titres dont trois en rappel, sur huit de ses albums, et un bis final d’On court après le bonheur. « C’est pas fini (…) On peut encore se raccrocher / À la poésie ».
Le site de Miossec, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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