Léo l’indigné : passation de révoltes à Aubervilliers
Entre récitals et disques de reprises, il y a mille façons de célébrer Ferré. Mille… et une autre encore. Le chanteur Jean Lapierre s’est mis en tête (et en actes) de créer un spectacle « mêlant le texte, la musique, le chant, s’inspirant de l’univers de Ferré, de son désir aussi de lier les différents arts qu’il pratiquait », au plus proche de ce qu’il estime être Ferré, au moins dans sa dimension sociale. Ce spectacle, c’est Léo l’indigné, grande première qui verra se côtoyer musiciens, chanteurs, comédiens, slameurs, grafeurs et danseurs de tous âges, pour créer cette œuvre. « Un hommage hors des sentiers battus, un évènement à la hauteur de l’homme » commente Lapierre, pas peu fier à l’approche de la représentation publique, ce samedi 18 mars à l’Embarcadère d’Aubervilliers. D’autant plus que les avant-premières de ces derniers jours (à la librairie Les mots passants, dans le hall de la mairie, à La lucarne des écrivains…) ont été un franc succès et que les participants répètent sans relâche.
Léo, l’indigné… Ce n’est pas insulte que de dire que Ferré s’est comme institutionnalisé, avec le temps… Chaque anniversaire (il vient d’en subir un de taille : son premier siècle) le voit se couvrir de célébrations, de compilations, de considérations qui, chaque fois, semblent l’éloigner de sa réalité d’origine. Faut dire que le mot « rebelle » ne veut plus rien dire : même les cathos-réacs mis en examen s’en parent désormais. Chaque fois, on repeint la statue et la stature de Ferré alors qu’il faut lui laisser l’émeri, l’urticant, le braillant. Ferré est devenu à la fois sujet de thèse et timbre-poste : c’est facile de dompter Léo maintenant qu’il est mort.
Le projet de Lapierre est tout autre et ses participants ne sont sociétaires ni du Français ni d’Universal (Léo l’indigné fut le titre d’un coffret de 20 disques, intégrale des années Barclay, paru en 2013 pour les vingt ans de la mort de l’artiste). Chanteur et journaliste, conférencier, le parisien Jean Lapierre est un artiste discret mais non moins efficace, qui régulièrement travaille avec des publics divers, souvent défavorisés, en France comme à l’étranger, pour des créations qui ont rarement la faveur des médias.
Les participants à ce projet ne sont pas de ces artistes habiles autant qu’habilités, mais des gens, des « lambda », pour beaucoup habitants d’Aubervilliers, qui ont été mis en contact avec l’œuvre de Léo Ferré. Le résultat est cette résonance en eux : comment Ferré leur parle, comment eux s’en emparent. Sans grande audace de notre part, on peut considérer que Ferré est l’inventeur du slam. Lui qui voulait la musique dans la rue est pris aux mots, repris ici par ces paroles urbaines, des jeunes en majorité. Quand, ici et là, les grand’ messes à Ferré rassemblent le public poivre et sel d’un club très fermé, cette fois ce sont les jeunes qui vont tenir le crachoir et postillonner à leur tour les mots de Ferré. Des amateurs pour la majorité, avec quelques professionnels. « Ferré disait parler pour dans dix siècles. Je constate qu’il résonne toujours et pour demain » dit Jean Lapierre qui encore constate : « Cette manière de poser une voix parlée sur une musique en corrélation inspire. De très nombreux slameurs le disent ».
On saura ce samedi, à l’issue du spectacle, l’impact, l’exacte empreinte de Ferré sur ces jeunes. Un projet qui d’ores et déjà est une réussite sociale et culturelle, qui s’inscrit pleinement dans l’idée de l’éducation populaire, concept que nos politiques déclarent désuet mais qui est si nécessaire, si révolutionnaire en soi. On saura plus encore l’utilité publique du Monégasque de la chanson, de son œuvre dont le ferment est toujours actif, comme un levain qui n’aurait pas fini de lever. Lever des foules, lever l’enthousiasme, lever l’envie d’aller plus loin, de construire. De se révolter.
« Léo l’indigné », Hommage à Léo Ferré, 18 mars 2017, 20 h 30 à L’Embarcadère à Aubervilliers.
Au nom de toute l’équipe, merci pour ce « papier » vibrant, qui donne toute la mesure d’un spectacle qui sera… nous l’espérons… à la mesure de Léo…
C’est un hommage très original, et qui donne vraiment envie d’aller voir ce spectacle .
Dommage, je suis trop loin d’Aubervilliers !
Mais je serai de tout coeur avec vous…
Bravo et merci à tous ceux qui s’investissent dans ce projet.
Une création au coeur de sa banlieue au rythme des coeurs de cette banlieue.
Ferré doit apprécier.