Jean-Yves Joanny sous les feux de la rampe
Il y a quelques mois, Michel Kemper nous contait le retour à la chanson d’un folk-chanteur, Jean-Yves Joanny, qui avait auparavant consacré une grande partie de son existence à l’image et au voyage. Ce genre d’individu incapable de faire la même chose la vie durant, préférant tenir tête à un grand label que renoncer à sa vision d’une chanson, découvrir le monde ou les gens plutôt que de suivre un chemin tout tracé. Déjà, son vinyle des années 80, que j’ai eu le privilège d’écouter plusieurs fois, sortait des sentiers battus, évoquant la vie sous un angle neuf par le biais d’objets ordinaires, tels des essuie-glaces. Par le conte, puisant dans la tradition ; par l’histoire, enseignée à sa manière ; par le voyage qu’il soit intérieur ou lointain. Dans Paris-Téhéran, l’isolement loin des siens, pour quelque salaire de la peur de plus, éloigne son camionneur bien plus que la distance. Une chanson toujours à son répertoire, qui est plus largement l’emblème de l’aliénation contemporaine au travail. S’y trouve aussi une longue fresque folk rock alternatif, Vingt ans, avec cordes acoustiques (guitare, contrebasse) ou électriques (guitare, basse, violon), cuivres, claviers et percussions. Pendant que certains faisaient du disco et abusaient du synthé, lui écrivait des textes exigeants et peaufinait des musiques inventives. Et chantait avec Dick Annegarn, Gilbert Laffaille, Léo Ferré ou Henri Salvador.
Quelques décennies plus tard, on est frappé par la cohérence de Joanny. Le titre de son nouvel album, Histoires quotidiennes et fantastiques (2015), en duo avec le pianiste Patrick Charbonnier (également à la guitare électrique) est un résumé de ses thèmes : le monde, les gens dans la fine analyse des sentiments de tous les jours comme dans les grands questionnements. Après cette longue éclipse de la scène riche en rencontres musicales et amicales (de Pierre Barouh à Pat Metheny) partagé entre France et Etats-Unis, composant de la musique ou produisant des films, il lui a manqué le contact avec le public. A l’écoute de l’album qui a été enregistré en concert, tout comme en visionnant les vidéos, on voit tout de suite ses capacités à faire le lien avec ses auditeurs. Jean-Yves Joanny, c’est d’abord un sourire qui n’a rien de forcé, qui lui fait des rayons de soleil autour des yeux ; une voix qu’on n’oublie pas dès lors qu’on l’a entendue, la même qu’à ses débuts, assez haute, un peu voilée, avec une douceur, qui a à peine pris du grave. Une silhouette de jeune homme à la guitare, éternel folk-man dans sa chemise rouge et ses jeans.
Il a le don pour raconter, évoquer des mondes, faire réagir le public, le toucher dans son intimité : claquent en de joyeuses onomatopées les souvenirs rappelés « Par la magie de l’argentique ». Le regard paternel encourage : « Et maintenant file, file, ma fille / File très loin à travers le vent/ File, file, tu l’as le fil (…) c’est à ton fil que j’ai tenu ». La Patience d’ange se déploie avec humour, avec amour dans la vie de couple.
Aux Vingt ans du premier album répond cette revue d’une vie imaginée depuis la naissance jusqu’à la date limite, à courir derrière les objectifs assignés par notre société, où l’homme est un loup pour l’homme « c’est passé si vite / T’aimerais avoir une partie gratuite / Et mettre l’amour au cœur de ton histoire. » Même s’il n’est pas dupe de nos prétentions d’humains « tous très intelligents », reste l’espoir en l’amour, en l’humain, en une dimension spirituelle presque sacrée, le long de cette Rivière en quête de la joie première, ou dans l’espace de Hoover à la recherche de la lumière. C’est là que le public embarque avec lui dans des Hi ha hé ho primitifs ou des Tadala lalala libérateurs, ou déconstruit le Mur de Berlin qui est aussi le sien.
Le site de Jean-Yves Joanny, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Une playlist pour découvrir l’artiste :
https://www.youtube.com/playlist?list=PLjgARH5GHfS8YPpJsmdOjUXPfcGeH1m0i