La Roulette rustre : dix ans et tous ces gens…

Leur premier « simple » remonte à 2005 : quatre albums l’ont suivi. Et le cinquième à présent. Si on vous parle ici d’un dixième anniversaire, c’est que leur nouvel opus est tiré de cet événement. Le temps de le concevoir, de l’enregistrer (« plus de deux ans de travail acharné »), de le sortir, le temps pour NosEnchanteurs de le chroniquer, et les bougies se sont éteintes depuis longtemps. Qu’importe. Ce disque reste un vibrant témoignage de la célébration. Notre quintette (Florent, Emilie, Camille, Romain et Chris, épaulés ici par Clément et Nicolas) avait mis les petits plats dans les grands. Non qu’« ils sont venus, ils sont tous là », mais pas mal de copains étaient présents pour fêter La Roulette rustre à l’occasion de ce double album entre tous mémorable. Qu’on en juge : Mourad de la Rue Kétanou et de Mon côté punk, Simon et Olivier de Debout sur le zinc, Fredo, Alice et Mathilde des Ogres de Barback, Alexandre du Weepers Circus, Max de Tournée générale et Jamait : ça fait du (beau) monde.

C’est un double album : la première galette fait comme résumé de la flamboyante décennie, avec des chansons réarrangées pour l’occasion et portées par ces voix amies. Qui s’achève sur l’incontournable chanson de Souchon, J’ai dix ans. Sauf que là c’est pour de vrai. Les fidèles du groupe, ceux qui le suivent depuis le début, retrouveront des titres cette fois-ci mus par un second souffle ma foi très séduisant. S’il y a dans cette livraison un vrai « cadeau » d’anniversaire, il est là, dans ce premier disque…

Moins dans la seconde galette : « 2nd souffle », créé à cet effet, est un spectacle d’envergure fait d’un décor impressionnant, de danse et de vidéo-projection, mais… Mais c’est ici un disque, non un DVD, et il faut abdiquer une partie non négligeable des ingrédients, de la souhaitable alchimie : c’est sans doute là où le bât blesse. Le synopsis ? « Des humains, pris au piège d’un mécanisme virtuel terriblement empreint de réalité, cherchent une issue… » Tirez l’oreille : c’est Henri Laborit qui parle au début (à n’en pas douter, extrait du film Mon oncle d’Amérique), donnant ce qui pourrait être la clé du récit qui vient, situant l’homme dans son milieu, en réaction à ce milieu. L’intention de ce spectacle est louable, a priori digne d’intérêt, osé, pense-t-on avant de l’écouter. Hélas, même en se livrant à une écoute attentive, avec cette musique prédominante qui fait dans la grandiloquence (au demeurant un très agréable rock progressif), on ne saisit souvent pas le traître mot, comme si le livret (absent, c’est dommage, ça nous aurait aidé) nous était donné à entendre dans une langue étrangère. Quand un disque est conçu comme un tout, une histoire de bout en bout, ne pas comprendre certaines chansons, c’est au bout du compte ne pas comprendre grand’chose. Où sont ces « textes ciselés flirtant avec le surréalisme [qui] fusionnent dans une harmonie douce-amère ou vivifiante, pour offrir un étonnant alliage musical à base de chanson française sans bornes établies » promis sur le papier ? Tout semble faire de ce produit discographique un possible raté, où l’émotion ne peut percer. Sauf à avoir vu (et entendu) au préalable le concert complet : ce disque peut alors aider à s’en souvenir.

La Roulette rustre, 1er souffle, 2nd souffle, Des tas de raisons 2016. Le site de la Roulette rustre, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.