Volo, la chanson qui nous questionne
« On est d’accord / j’ai l’air de rien / sous tout rapport / je vous préviens que / juste en grattant sur ma guitare / c’est tout votre succès commercial / et je crois de manière cruciale / que vous devrez revoir à la baisse / des parts de marché / de votre show-bizness / votre part de attention les Lady Gaga, les Rihanna, les Christina Aguilera / je vais vous mettre à l’aise / c’est d’la chanson française… »
La chanson de Volo ne ressemble vraiment à aucune autre. Elle est vraisemblablement sans racine si ce n’est – mais ce n’est pas une réponse – celle des Wriggles, dont justement les frères Volovitch, à un titre ou à un autre (l’un chanteur, l’autre régisseur), firent partie. C’est de la chanson, oui… De la Chanson française, ils le disent et en font même la chanson-titre de ce nouvel opus, le cinquième en studio. Volo, c’est tout autant un traité de savoir-vivre, plutôt un manuel de survie dans cette vie. C’est, chapitre après chapitre, chanson après chanson, les pages et onglets de « La vie pour les nuls ». Economie, dettes, politique, environnement, société, premiers sentiments, crise de la quarantaine et classe moyenne. En des textes invariablement chantés sur le mode de la mélancolie, à moins que ce ne soient les timbres conjugués, si particuliers, si identifiables, de Frédo et de son frérot, d’Olivier et du sien.
Ce n’est pas la poésie de la vie (même si leur art s’en rapproche par certains côtés) mais plus sa mécanique qui est ici comme démontée, remontée à la clef de 12, à l’instar des boîtes de Meccano, de la gamme « technique » à celle « émotion » : « quand c’est la vitesse de ma langue qui tourne dans ta bouche / quand c’est nos appareils dentaires qui se touchent / quand c’est tes yeux qui louchent ». Qui cherche à comprendre, s’inquiète et tente de prévenir : « au cas où / j’aimerai que mes enfants / apprennent vite comment survivre / en milieu hostile / au cas où / qu’ils sachent chasser la nuit / recueillir l’eau de pluie / à toutes fins utiles ». Une chanson comme un guide de survie… « Le GPS nous a perdu / On n’ira pas à droite c’est sûr / Faire demi-tour c’est sans issue / Et si on continue tout droit / On finira dans l’mur / Le GPS nous a menti / Faut prendre encore à gauche c’est sûr… »
Ceux pour qui tout ce qui est scandé, au fort débit, est du rap, y verront l’origine de leur art. Mais rien n’est sûr. Ce que fait Volo est une forme de parlé-chanté qu’on dirait être né dans un amphi : les idées, les thèses, hypothèses et antithèses, les démonstrations s’y bousculent. Deux gars nous prennent à témoin de leurs questionnements, parfois de leurs émotions. Comme nous avons à peu près les mêmes, c’est une chanson qui nous interpelle, nous interroge, fait écho à ce que nous sommes. Ne nous distrait pas vraiment, mais ce n’est ni sa fonction ni son ambition. Chanson intelligente, questions intelligibles et, ma foi, forme séduisante qui vous attire à elle, vous retient. C’est une chanson différente, en constant état d’émerveillement.
Volo, Chanson française, PlayOn/Sppf 2017. Le facebook de Volo, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là. Sortie le 27 janvier 2017. En concert lors de la soirée finale de Barjac m’en chante 2017.
Rétrolien VOLO - nouvelle chronique du dernier album "Chanson Française"