Ces dames ont toutes leur Jules
« Quel dur métier que de t’aimer / Mais faut bien que quelqu’un le fasse / Alors j’m'y colle sans sourciller / C’est ma destiné, c’est ma place… » Avec T’es chiante, premier titre de Nos vedettes, Jules ne fait pas particulièrement dans la délicatesse : « Bi-polaire c’est trop réducteur / Toi c’est les quatre points cardinaux. » On ne va pas déflorer la fin de cette chanson-charge.
Sept titres, sept portraits au féminin taillés à la serpe ou brossés au pinceau, avec une précision assez remarquable. Sept titres car ce n’est somme toute qu’un « EP » : qu’en aurait-il été d’un album, un vrai, avec ses douze ou quatorze titres, avec d’autres dames, autres profils, autres tronches, autres cas de figures ?
A chaque femme son rôle, son statut. La frangine, l’amie fidèle (« celle qui tient la chandelle / mais dans l’fond tu t’en fous / c’est ton rôle après tout »), la sportive le casque sur les oreilles (qui court et fuit ses emmerdes), sa vieille qui n’a plus le goût à rien ni de place pour les souvenirs (« Bien longtemps que s’étiole l’envie d’être encore là »), sa fille de gauche…
Il y a aussi celle – la blonde – qui lui fait frayeur « depuis t’es devenue banale et sans odeur, que t’as pignon sur rue », qu’« on a banalisé tes slogans, tes banderoles ». On a beaucoup fait de titres sur le FN, sur les LePen, népotes de grand-père en petite-fille : celle-ci, Tu me fais peur, chanson calme et reposée, n’en est que plus redoutable encore.
Portraits de femmes donc, jusqu’à celle qu’on attend et se fait désirer : « C’est quand qu’tu dis qu’tu m’aimes / La Saint Glinglin c’est pour bientôt / Même si tu mens si tu blasphèmes / Dis-moi qu’tu m’aimes / Même si tu l’crois pas ». Tout est efficace ici, affaires rondement menées, chansons abouties qui vous emportent dans leurs tourbillons internes, leurs logiques propres.
Le Vilain Orchestra n’était à l’origine que l’addition des musiciens de scène de Jules. La mayonnaise a pris et ces musicos sont, ensemble, devenus ce groupe brillant et solidaire qui rehausse de son talent les mots abrupts du chanteur.
Jules semble aimer l’étiquette « variété alternative, chanson française à la papa » collée de partout à son propos. A bien y réfléchir, l’image n’est pas fausse. Il est un peu le pendant de Bénabar qui, par Jules, n’adoucirait plus les angles, ne se limerait plus les ongles. Le même talent pour faire naître des situations, camper des gens, pas nécessairement les caresser dans le sens du poil mais pas sans tendresse et sans ironie.
Un bon disque qu’il serait dommage de louper au prétexte qu’on attend le vrai album qui suit : pas sûr qu’il comporte les mêmes titres et ceux-là, ma foi, s’écoutent pas qu’une fois, se délectent, s’apprécient car précieux. On recommande chaudement. A tel point qu’on se repasse le disque, rien que pour le plaisir.
Jules et le Vilain Orchestra, Nos vedettes, Abacaba/Musicast distribution 2016. Le site de Jules et le Vilain Orchestra, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là. En concert le 28 janvier 2017 à Vauréal (95), le 31 aux Poly’Sons de Montbrison (42), le 9 février aux Voix d’hiver de Gauchy (02).
Un grand artiste, un pur régal pour les oreilles ce disque… et sur scène ouawww !!! A voir absolument avec ces supers zicos que sont les Vilains, et puis à voir en solo aussi, le 3 février sur le Bateau El Alamein par exemple pour les Plateaux Chanson.