Tony Melvil : il n’s’ra jamais vieux
7 janvier 2017, MJC de Venelles,
Inclassable, Tony l’est, Melvil le dit. Pince-sans-rire, avec ses intermèdes à l’humour absurde baptisés Chroniques d’un chanteur désarmé. Comme ce dialogue improbable entre un Donald Trump vendeur d’avions de chasse et un petit chanteur à fléchette. Qui annonce un très bruyant et réaliste Tango des armes à feu. « Pour qu’on ait le droit d’avoir une arme à feu » Provocateur, lucide, innocent, enfant nostalgique de ses rêves. Et sacré musicien. Le violon à quatre ans, le conservatoire à huit. La guitare. On ne perd pas. Et ne sont pas en reste ses acolytes, Maxence Doussot aux percussions, secouées, frottées, battues, toms et tambours plus que cymbales, veste étriquée, pantalon vert, mix entre Boby Lapointe et Barcella. Et Delbi (Romain Delebarre) « à la guitare en fer » (dobro), au sampleur et percussions légères. Comme tous les clowns, ce sont des musiciens aguerris, funambules des portées, rockeurs flotteurs des occasions perdues.
Donc, Tony n’est pas là pour nous faire plaisir mais pour se poser des questions sur le monde et sur lui en particulier : « Qu’est ce que j’fous sur cette île, putain j’ai l’air con ». De plus, depuis que des spectateurs à cheveux blancs ont émis des doutes sur son humour, il a décidé leur mort par tous les moyens : en début de concert une horrible histoire de chien qui dévore les vieilles. Puis par Mourez, les vieux, en dansant sur une musique dissonante, avec critique du vieux chanteur qui s’accroche : « Elle est de trop cette tournée ». Heureusement, les anciens ne sont pas rancuniers, ça ne prend pas et on sait bien qu’il n’a pour eux qu’une tendresse légèrement désabusée. Comme la plupart de ceux de sa génération (35 ans), il a du mal à convaincre les jeunes habitués à l’électro-dance de s’intéresser à sa musique étiquetée « chanson ». Alors, pour les séduire, il se lance dans un « Nia nia nia » en Sol La Do Ré Mi Fa Si bémol…
S’il faut des références, il y a du Boby Lapointe dans ces jeux (« Je t’humilie Emilie, et tu t’enfuis Emilie… »), du Nicolas Jules (« Tu es jolie Emilie, comme un radis Emilie, un clafoutis, Emilie, un enterrement »). Du Boule aussi (« On m’a dit ça ira mieux lundi »). Et du Gainsbourg.
Tournant en rond sur le carrousel de son enfance en désespérant d’attraper le Pompon (texte Thibaud Defever), enfermé dans un Wagon à bestiaux, ou dans une cellule de 3m2 : « Ma mère qui m’aime. Je tiendrai pas ». Glacés, on n’a plus envie de rire. Si le violon joue la sarabande, c’est pour mieux découvrir d’horribles secrets cachés dans les Miroirs à l’envers de nos maisons ; si la guitare gently weeps sur les percussions entêtantes, c’est qu’il convient de se taire Sans langue, sans visage sur des « silences, poisons issus des soupentes, des cloisons », avec final décoiffant au violon électrique.
De Tentative d’évasion en Cavale, Tony a fini par émerger en Plein jour, et ce sont les titres de ces trois premiers EP qu’il nous présente ici, dans une version dopée à la vitamine musicale, folie tantôt tendre (ah ce « Bien avant, j’aurais dû te le dire », arpèges, percussions frottées et boucle planante finale), tantôt féroce. Pour nous récompenser de notre attention, de notre participation, de notre patience (il lui sera beaucoup pardonné pour son aveu « J’aurais pu être meilleur »), il nous fera distribuer par Maxence un baume passé sur nos visages avec douceur tel le Saint-Chrême ! On réécoute cette douce profession de foi « J’ai cru en mon courage, j’ai bien tenté de changer mon monde, mais la dette est trop immonde, après tout chacun sa cage / File le temps, les rêves, les rires d’enfant, la relève, et maintenant qu’a sonné l’heure, pas le temps pour cette fleur… » On attend avec impatience l’album promis pour début 2018 !
Le site de Tony Melvil, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. Prochains concerts les 12 et 13 janvier 2017 au Bijou à Toulouse.
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