Rendez son cinquième B à Gilbert Bécaud
Ça fait quinze ans déjà que Gilbert Bécaud nous a quittés, et on ne voit toujours pas la fin de son purgatoire. Pourtant il ne le mérite pas, lui qui s’est confié à Dieu (Je t’appartiens, repris par Elvis Presley, Bob Dylan, Nina Simone avec Let it be me), qui a chanté le gospel en s’élevant contre le racisme, prenant partie pour l’Indien, l’étranger, qui a aimé, qui a cultivé sa terre promise…
Le génie de Bécaud, c’est à la fois ces compositions (toutes les musiques de ses chansons sont de lui), cette voix si particulière qui vient des tripes, plus claire à ses débuts, cette force expressive digne d’un comédien, ce style, costume bleu, cravate à pois, qui a pu sembler figé après les années 80, cette énergie qu’il a gardée pratiquement jusqu’à la fin, première star à provoquer des émeutes, à donner le nom d’une de ses chansons à un magazine et une émission aussi (Salut les copains). Le choix de paroliers qui l’ont accompagné pour certains toute sa vie, ont su écrire pour lui des scénarios, des ressentis : Aznavour, Louis Amade, Pierre Delanoë, Maurice Vidalin ou Claude Lemesle.
Oublié le cinquième B. Si l’on n’en finit pas de célébrer Brassens et Brel, un peu moins Barbara et encore moins Béart, nulle émission de radio ou télé pour célébrer la longue carrière de Gilbert Bécaud. On aura droit le 27 décembre, en toute fin de soirée, à un documentaire tourné dans le Poitou par Marie–France Brière, à l’initiative d’une des filles de l’artiste, qui fut aussi sa régisseuse pendant les onze dernières années de sa vie. D’ailleurs, Emily Bécaud vit toujours dans la propriété poitevine avec ses enfants et sa mère, la dernière compagne de Bécaud, Kitty Bécaud.
C’est aussi à son initiative que paraît chez Warner une anthologie en 20 volumes : 400 chansons, un livret-coffret des années 1953 à 2002, intégrale avec quelques inédits jamais enregistrés.
Un double CD, Le turbulent baladin, des périodes les plus glorieuses, 1953-1957 et 1958-1962, sort chez EPM plus un troisième consacré aux interprètes de l’artiste, d’Edith Piaf à Aznavour en passant par Montand, les Djinns et les Compagnons de la chanson.
Enfin, Gilbert Montagné publie un album des chansons de son aîné Gilbert. Je n’ai écouté que C’est en septembre, que je n’ai pas reconnu… (lire encadré ci-dessous).
Car si les jeunes d’aujourd’hui n’ont jamais entendu parler de Bécaud (ah si, certains connaissent L’orange par la reprise en 2003 de la Star Academy), ceux qui sont nés dans les trente glorieuses n’ont pas fini de se remémorer ses succès nationaux comme internationaux, même si c’est maintenant silence radio, silence télé, aussi bien sur les ondes hertziennes qu’UHF.
De Méqué mé qué, Il fait des bonds… Pierrot qui danse, ou Viens danser, des années 50, pleins de vitalité, aux plus poétiques La ballade des baladins, Les marchés de Provence, Le jour où la pluie viendra, Le bateau blanc en passant par les dramatiques Les croix, Mes mains, La corrida, on en arrive aux grands succès des années 60 ou 70, qu’on ne finit pas d’énumérer : L’absent, Mon père à moi, L’important c’est la rose, Quand il est mort le poète, Et maintenant (What now my love à l’international, par Elvis Presley, Frank Sinatra, Shirley Bassey, Sonny and Cher), Dimanche à Orly, Nathalie, L’orange, Marie Marie, La solitude, Charlie t’iras pas au paradis, Un peu d’amour et d’amitié, Je reviens te chercher… Et puis les si picturales chansons de Maurice Vidalin : Quand Jules est au violon, Le petit oiseau de toutes les couleurs, Les cerisiers sont blancs, Monsieur winter go home, L’indien, La vente aux enchères, L’indifférence, C’est en septembre (succès international avec la version anglaise de Neil Diamond September morn’). Claude Lemesle sera l’auteur de chansons très personnelles où Bécaud s’interroge sur sa destinée, Quand j’serai plus là, Faut faire avec…
Pour tous ceux qui sont de bonne volonté, on trouve de nombreuses vidéos sur les plates-formes…
Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Gilbert Bécaud, c’est ici.
C’est vrai Catherine, les médias l’ont oublié…
Je serai à mon poste le 27, même si c’est tard dans le soir!
Pour moi c’est mon quatrième B !
C’est toute mon enfance et mon adolescence…
Merci Catherine pour ce bel article.
Il est exact que Bécaud est beaucoup moins célébré que Brassens Brel ou d’autres.
Pourtant en consultant la liste de ses chansons, on s’aperçoit de l’immensité de son oeuvre et une nouvelle chanson de Bécaud qui passait en radio c’était toujours un enchantement.
Il y en a tellement de somptueuses et dans des styles si différents qu’il est impossible de toutes les citer.
Il a créé un univers poétique et totalement décalé parfois comme « La vente aux enchères » qui est bien plus qu’une chanson, presque un film avec toutes les images qu’il suscite et qui nous transportent dans un monde imaginaire où tout devient possible, même s’enrichir en vendant des émotions et des souvenirs aux enchères.
Même s’il n’écrivait pas ses textes, il les habitait tellement qu’il en est le co-créateur.
Un artiste immense au talent hors normes !
Je dois dire qu’autant je trouve que les enregistrements publics de Bécaud ont gardé toute leur force, autant les versions studios m’apparaissent aujourd’hui souvent fades, avec des orchestrations qui ont fort vieilli. C’est sur scène que l’artiste pouvait donner toute sa (dé)mesure. Mais comme les radios ne passent jamais les « live », cela peut expliquer le désintérêt.
Mais cela dit, vous entendez souvent du Ferré à la radio, vous ? Ou Montand ou Reggiani ? Même Nougaro, on ne peut pas dire qu »il squatte les antennes. Le purgatoire dans lequel est plongé Bécaud me semble assez surpeuplé…
https://www.youtube.com/watch?v=1U2OyS3C20w
Belle complicité entre 2 grands et du plaisir pour nous.