Méliès, désarmant
Arman Méliès, 13 décembre 2016, La Bouche d’Air, Salle Paul-Fort à Nantes,
Par les chroniques de l’ami Pol de Groeve, nos lecteurs attentifs connaissent Nicolas Michaux, le jeune Belge. En fin de tournée, le voici, pour sept titres, dans une première partie judicieuse même si, de prime abord, l’évidence ne saute ni aux yeux ni aux oreilles. C’est dans les racines et influences communes à Michaux et à Mélies que se situe la présente alchimie. L’un plus pop-folk, l’autre manifestement rock, ont quelques chromosomes partagés, références avouées ou non, dont celle au Nantais Dominique A. Sept titres, donc, pour se présenter et convaincre. Pour laisser des traces en ce haut-lieu de la chanson, cette Bouche qui ne manque pas d’Airs. Convaincre tout à fait, je ne suis pas sûr. Mais entamer un processus de séduction, oui. Car, dans un folk-song pas farouche et pas rebelle, le jeune homme inspire la sympathie. Les mots se coulent dans les notes en un spleen musical dont on ne retient vraiment que l’ambiance, douce et fragile. Il y a un peu de Wladimir Anselme en lui, l’onirisme en moins. Et plus sûrement la folle admiration envers Leonard Cohen à qui il reprend Tonight Will Be Fine. Demain pourrait effectivement être bien pour Michaux.
A lire la presse, de Télérama aux Inrocks (il suffit d’un article bien en vue pour que, dans l’entre-soi médiatique forcément parisien, les autres médias fassent chorus, pensée et goût uniques), ce ne sont qu’éloges pour Arman Méliès. Qui a « su mêler textes littéraires et arrangements soignés, sans jamais sacrifier le sens sur le son » surenchérit Le Figaro. Au risque de singulièrement dénoter, et sans douter des arrangements soignés (encore que), je n’ai pu apprécier les « textes littéraires » justement parce que le son sacrifiait, massacrait au rouleau compresseur tout le reste. J’aurais dû me méfier à l’entrée quand on m’a conseillé, d’un singulier « ça va saigner », le port de bouchons d’oreilles qu’on me tendait.
On débattra encore longtemps de qui est responsable. L’ingé’ son ? C’est lui qui, in fine, de ses manettes, contrôle le flux, envoie ou pas la sauce, fait la pluie ou le beau temps. Qu’en dit le boss, notre Arman Méliès ? Car, quand le gros son fait pause, c’est l’interprétation même du chanteur, n’articulant pas, qui ruine toute compréhension. C’est désarmant. Sauf à connaître les textes par cœur, on ne peut que se contenter de grappiller par ci par là des mots, parfois des vers entiers, et de tenter d’en reconstituer le sens. Un concert est-il un puzzle qu’il nous faille sur l’instant reconstituer ? Vous imagineriez-vous, vous, un concert où la parole rendrait inaudible la moindre note de musique ?
De fait, on se demande si, avec une telle volonté de ranger les paroles au rang de simples accessoires, de sons comme d’autres, nous sommes encore ou non dans la case chanson. Ce qui, reconnaissons-le, n’a pas semblé gêner une grande partie du public, des inconditionnels pour qui ce concert fut réel bonheur et qui, debout, ont fait à l’artiste, large et belle ovation. Pour l’anecdote, retenons la présence, au sein de ce trio guitares, batterie et saxo-claviers, d’Adrien Soleiman, par ailleurs lui-même chanteur, dont nous avons chroniqué l’album il y a quelques jours.
Le facebook d’Arman Méliès, c’est ici ; la page Tôt ou tard de Nicolas Michaux, c’est là. Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Nicolas Michaux, c’est ici.
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