Récompenses, prix, concours et tremplins
Ah, l’instant si attendu, si redouté aussi, où le président du jury annonce les résultats du prix, du tremplin. La mine réjouie des lauréats et celle, déconfite, des battus, des oubliés des récompenses qui pourtant doivent faire bonne figure, bons perdants, pour justement ne pas tout perdre, leur dignité avec.
Il fut un temps où on concourait pour des trophées, des récompenses prestigieuses.
C’est fini, on ne concoure plus que dans l’espoir d’être programmé : ça sert à ça. Et d’avoir deux trois lignes dans la presse locale pour ajouter à son press-book : fasse que le localier ne soit pas trop nul (en général ils le sont), qu’il ne déforme pas trop les noms, qu’il ne se permette pas des appréciations mal à propos vu qu’ils sont rarement compétents en ce domaine…
Offrir comme récompense une programmation quand sa seule fonction sociale (en tant que programmateur professionnel et à ce titre membre du jury et partenaire) est justement de programmer, j’avoue que ça m’interpelle. D’autant que son lauréat on le choisit soi-même. Comme quand on établit sa programmation, sauf que dans ce cas on ne le crie pas sur les toits, on ne se fait pas applaudir sur scène pour un tel exploit. Belle récompense et bel alibi : « ça les fera connaître !» Comme si ce n’était pas une des fonctions premières des programmateurs…
Offrir comme récompense un article (un rédactionnel de presse) quand (en tant que journaliste professionnel et à ce titre membre du jury et partenaire) sa seule fonction sociale est justement de faire des articles pour nourrir les pages de son magazine, j’avoue que ça m’interpelle pareillement. D’autant que son lauréat on le choisit soi-même. Comme quand on établit son chemin de fer (1), sauf que dans ce cas on ne le crie pas sur les toits, on se se fait pas applaudir sur scène pour un tel exploit. En quoi l’article sera-t-il différent ? Plus élogieux, sans nuance, sans esprit critique ? Belle récompense et bel alibi : « ça les fera connaître !» Comme si ce n’était pas une des fonctions premières des journalistes culturels dont l’éthique s’étiole…
C’est comme si une commune, pour récompenser le lauréat d’un tremplin, d’un biathlon ou de la plus belle vache du comice agricole, leur offrait une délibération municipale.
Ben non, elle leur offre une médaille ou une coupe, parfois un allégorique trophée (2). Mais chez les gens de culture, ça fait top ringard. Ce qui est bon pour les sportifs ou les agriculteurs fait bouseux aux cultureux.
(1) Un chemin de fer est, dans la presse et l’imprimerie, la représentation d’un ouvrage, page par page et dans sa totalité.
(2) Reconnaissons que parfois les prix sont des chèques (même s’ils ne sont pas bien gros, comme au Mans Cité Chanson). La docte Académie du disque Charles-Cros, totalement désargentée, remet des diplômes et l’important prestige qui va avec. Dans un autre genre (pas si éloigné que ça de la chanson) notons qu’à ses tout débuts, le festival du dessin d’humour de Saint-Just le Martel dotait son « prix de l’humour vache » d’une vache, une vraie ! (ainsi Cabu, photo ci-contre, avec sa récompense). Pas très pratique pour repartir en train.
(3) Puisqu’on parle de la Médaille d’Or de Saignelégier, il est encore temps de postuler. Jusqu’au 30 novembre inclus. Comme pour le prix Georges-Moustaki. Faites vite ! Inscriptions à partir des sites respectifs.
Le problème de ces concours, c’est surtout le manque quasi total de notoriété de ceux-ci.
C’est pareil dans d’autres domaines. Okay, Palme d’Or à Cannes, on voit ce que c’est. Mais Grand prix du festival de Bruxelles (par ex.), ça intéresse qui ???
Espérons qu’au moins les professionnels soient attirés et se disent que si untel a eu tel ou tel prix décerné par des professionnels, c’est qu’il vaut quand même quelque chose. Mais même cela, j’en doute.
Quant au grand public, n’en parlons même pas : à part les médiatisées et commerciales Victoires de la Musique, quel concours peut-il vraiment se vanter d’être célèbre ?
Elle est pleine de bon sens, cette »saine humeur » ! Il n’y a rien à redire ni à ajouter.
BOUTEILLE DANS LA MER DE L’INDIFFERENCE
Il m’arrive, aujourd’hui, quelque chose d’étrange mais pas de surprenant. En effet sans prévenir, la censure muette me frappe. Comment? Et bien, après avoir eu un léger soutien de la presse qui annonçait mes spectacles assez discrètement, certes, mais qui les annonçait quand même, voila que le silence se fait. Plus aucune ligne dans les journaux, plus aucune information dans les radios. Je n’existe plus. Terminé. Circulez il n’y a rien à voir. Daumas ou Masdau connaît plus. Est ce à dire que je n’ai plus le droit de travailler et de gagner ma vie avec mon art, modeste certes, mais quand même un petit quelque chose. Il paraîtrait, je dis bien « paraîtrait » que mes textes soient trop subversifs et pas assez « poétiques » . Il existe une cabale régionale orchestrée par les « créatifs » de saison 13, qui, systématiquement déconseillent mes demandes de spectacles dans les villes et villages inscrits à leur catalogue. Je ne ferais pas de l’art correct et estampillé consommable.
Les programmateurs subventionnés m’ignorent complètement et me refusent la chance de faire connaître mon travail au « grand » public? Va comprendre, Charles!
Il est même des fans de Sheila, de Patrick Bruel et de The voice, qui prétendent que je suis la déchéance de la chanson Française ! C’est vous dire !
Même en payant, les salles me refusent. Je n’arrive pas à louer une seule salle publique. Interdit. Tu peux crever la bouche ouverte, tes chansons on n’en veut pas. Brassens ou Montand ça passe encore un peu dans les restos, les cafés, les petits lieux intimistes, certains festivals marginaux, mais faudrait pas que ça empiète. C’est vrai que si l’on regarde les programmations habituelles des théâtres communaux ou des comités des fêtes, c’est sur que je n’entre pas dans le moule. Et pourtant le public qui me connaît se régale et apprécie mes chansons- si j’en crois les messages laissés sur mon livre d’or. Quoiqu’il en soit, je vais bientôt être acculer à mendier pour pouvoir survivre ou me filer une cartouche dans le ciboulot pour ne pas trop souffrir de l’indifférence.
« – Oh, oui! Fais le, ça nous arrangerait! «
NON, JE NE VEUX PAS DISPARAÎTRE PHYSIQUEMENT (je ne suis pas estampillé pour le faire). DEPUIS 1975 QUE JE FAIS CE « MÉTIER », JE COMPTE BIEN CONTINUER JUSQU’À MA MORT NATURELLE . J’ai une meilleure idée. Je vais lancer un appel de survie, une balise éclairante dans le ciel du mépris et de l’indifférence: ACHETER MES CD ET MON LIVRE ET VENEZ NOMBREUX M’ÉCOUTER DANS LES PETITS LIEUX PRIVES QUI ONT LE COURAGE DE M’ACCUEILLIR. C’est le meilleur moyen pour montrer aux professionnels de la Culture Officielle que vous voulez du copieux, du sincère, du bon et du beau.
Pour que belle et rebelle soit la chanson française!