Petit Lorca devenu grand
El niño Lorca, par Christina Rosmini,
J’ose le dire : ceux qui quitteront le festival d’Avignon sans être allés voir ce spectacle auront loupé leur festival !
C’est un spectacle si original, si complet, si beau, qu’on en ressort avec un sentiment de plénitude. On a appris des choses, vu et entendu de splendides textes, dits, écrits, chantés et dansés par Christina, accompagnée du guitariste virtuose Bruno Caviglia.
Tant pis pour ceux qui aiment classer dans des tiroirs bien rassurants les artistes ou les spectacles ! Celui-là fait exploser toutes les boîtes et déchire toutes les étiquettes qu’on voudrait lui coller… « Théâtre », « Chanson », « Danse », « Musique »… il est tout ça à la fois, et plus encore !
Christina Rosmini est l’auteure et l’interprète du spectacle : elle revendique ses racines méditerranéennes et sait s’en faire un socle culturel et spirituel « élargi » jusqu’à l’orient, l’Inde… sur lequel elle construit ses spectacles : comédienne pleine de grâce, auteure des textes et compositrice des musiques, interprète, elle met son corps souple de danseuse et sa voix chaude de chanteuse de jazz ou de flamenco au service d’un spectacle qu’elle nous offre comme on offre l’eau fraîche et désaltérante d’une source, dans ses pays de canicule.
Le thème du spectacle est peu connu, peu « exploité », ou du moins pas dans les spectacles de chansons. Écrit à l’occasion du 80e anniversaire de la Guerre d’Espagne et de l’exécution de Federico Garcia Lorca, il s’agit d’un conte musical sur la vie et l’œuvre du génial musicien, poète et dramaturge, intitulé « El niño Lorca ».
La réalisation est splendide, le spectacle total : en français et en espagnol, c’est la vie du poète qui nous est contée. De sa naissance, près de Grenade à son assassinat en 1936, nous le suivons en Espagne, aux États-Unis, en Amérique du Sud, à Buenos Aires, à Cuba… Les textes ou les chansons sont sublimés par des projections de dessins ou d’animations d’une finesse extrême. Et il est intéressant d’établir des parallèles à quatre-vingts ans d’écart : Lorca a été en bute avec l’obscurantisme religieux, la montée du fascisme, la crise financière et économique, le racisme, l’homophobie… Les choses ont-elles tellement changé ?
Lorca nous est présenté comme un éternel enfant (ce qu’il aurait bien voulu pouvoir rester), sous la forme d’une marionnette de papier. Il se révolte contre les injustices qu’il côtoie et s’inscrit dans l’avant-garde de son époque avec ses amis Picasso, Dali, Buñuel, de Falla.
Le texte s’appuie sur les écrits de Lorca, les musiques sont aussi variées que l’était son œuvre et le décor sert particulièrement bien le propos. J’ai beaucoup aimé le paravent « Belle époque », qui est, selon moi, le troisième interprète de la pièce : tantôt porte vers l’au-delà, miroir de l’âme du poète, refuge, accessoire de jeu, support des projections qui retracent la vie et les souvenirs de Lorca, il habille la scène d’une nouvelle dimension, toujours présent mais sachant aussi se faire oublier pour mieux ressurgir.
Et l’alchimie prend. La mélodie des mots parlés ou chantés sur des rythmes de rag-time ou de tango nous emporte dans ce monde intermédiaire où la lune-mère accueille l’âme de l’enfant-Lorca assassiné.
Je ne saurais trop vous recommander d’aller voir ce spectacle poétique, intense et harmonieux.
Le site de Christina Rosmini, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là
Teaser spectacle
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