Non, Sarkozy ne sort pas de l’Histoire, en tout cas pas de celle de la chanson
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Tags: Michel Kemper, Nouvelles, Si Sarkozy m'était chanté
« Sarkozy sort de l’Histoire » titre Le Point, en ce lendemain de défaite, de déroute, de débâcle. « Sarkozy kärchérisé » ironise Libération. « Nicolas Sarkozy, le désaveu cinglant » constate Le Monde. « Quelques fois les meilleurs perdent » ose
Le Parisien, citant Carla Bruni à qui personne n’avait dit… La presse de ce lendemain de séisme électoral est brutale. Le collaborateur Fillon a infligé une cuisante défaite à son ex-boss. Le scénario n’est pas celui imaginé par celui qui se revoyait tout en haut de l’affiche, adulé par ces foules dont il a si souvent abusé. Et c’est la retraite anticipée. Comme quoi la retraite à taux plein à 62 ans, c’est possible.
Mais que Sarkozy sorte de l’Histoire, la suite nous prouvera que non : l’Histoire ne fait que commencer. Sauf si le président Fillon (c’est probable qu’il le devienne) amnistie ces crimes auxquels Sarkozy n’a pas encore été condamné, notre Bismuth devra répondre de pas mal d’affaires. Bygmalion il va sans dire, pour « financement illégal de campagne électorale » dans le cadre de la présidentielle de 2012 ; la publication par Médiapart d’un témoignage l’accusant d’avoir reçu des valises pleines d’argent liquide en provenance du régime libyen de Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne de 2007 resserre plus encore l’étau du soupçon, les taux de probabilité… Et d’autres affaires encore tel ce « trafic d’influence et violation du secret de l’instruction » dans l’affaire dite des écoutes. C’est dire si Sarkozy n’est pas prêt de quitter la scène médiatique : il déménage juste de la rubrique « politique » à celle de « justice ». Faudra-t-il un jour organiser un agrumethon pour lui offrir des oranges en prison ?
Quel que soit l’avenir du justiciable qu’il redevient peu à peu, Sarkozy restera une exception dans le domaine de la chanson. Ceux qui ont lu le livre Si Sarkozy m’était chanté le savent, les autres pas vraiment. Nul homme d’Etat français n’a été aussi chanté que lui depuis Mazarin, de son vivant et dans le cadre de ses fonctions. Des mazarinades au sarkozynades en quelque sorte. Le très clivant président a tellement transgressé sa fonction et fait de son exercice politique un roman d’aventure, qui plus est à l’eau de rose, que les chanteurs, suivant en cela tous les caricaturistes (dessinateurs, humoristes et chansonniers), ont consigné jour après jour, sans d’ailleurs vraiment s’en donner ni le mot ni la rime, l’exercice insolite et souvent choquant de cet animal politique égotique et colérique. Retour de la chanson engagée ? Chanson de circonstance, dirait notre ami et collègue Michel Trihoreau. Pour être interdite d’antenne, grandement privée de lieux où elle pourrait se faire entendre, la chanson engagée est aujourd’hui inaudible : le rêve de tout pouvoir. Mais elle n’a jamais cessé d’exister. La preuve !
Maintenant que c’en est politiquement fini de Sarkozy, à quoi bon encore lire ce livre ? Parce qu’il est comme une anthologie de la chanson engagée d’aujourd’hui, un livre d’histoire contemporaine. Et le récit d’une chanson qui emboîte le pas, surtout les faux pas, d’un président du paraître et de l’événementiel, fournisseur de photos pour Closer et Gala, fourbisseur de débats à l’emporte-pièce pour Le Figaro et autres Valeurs actuelles. Les saltimbanques de la chanson y ont dit leur indignation et leur courroux en des vers étonnament inspirés, créatifs, souvent des œuvres de toute beauté. Qu’elles soient de Rémo Gary ou d’Alain Souchon, de Claude Semal ou de Mickey 3D, de François Corbier, Stéphane Balmino, Serge Utgé-Royo, Michel Fugain, Michel Delpech, Bernard Lavilliers, Gul de Boa, Florent Nouvel, Olivier Béranger, Joey Starr, Monsieur Roux et de bien d’autres encore, ces chansons nous racontent un moment de l’Histoire, entre 2002 et 2012, quand le pouvoir s’est dévoyé dans une pitoyable auto-caricature. Ce livre, qui n’a jamais été un instrument de cette primaire de droite qui s’achève (autoproduit et hors commerce, il eut du mal), est une pièce d’anthologie qui, loin de chanter les louanges de Sarkozy, met à l’honneur une chanson qui, ainsi, retrouve sa vocation originelle de formation politique du citoyen.
Michel Kemper, Si Sarkozy m’était chanté, NosEnchanteurs 2016, hors-commerce, 304 pages, 20 € + frais d’envoi. On peut le commander par courriel à michel.kemper@nosenchanteurs.eu
Ce que NosEnchanteurs a déjà dit de ce livre, c’est ici ; pour écouter l’essentiel de la bande-son de cet ouvrage, c’est là, grâce à Emmanuel Guilloteau (attention, vous en avez pour 15 heures d’écoute !)
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