Cécile Corbel, la fée du Finistère
Intéressant de lire comment sa maison de disques, tirant de la presse cette formule un peu expéditive, la présente : « Cécile Corbel l’enchanteresse existe et c’est une grande voix pop. » Il y a des termes désormais honnis qu’on n’emploie plus ou très peu, de peur d’effrayer le client : « folk » en est un, tout comme l’est « chanson ». « Pop », par contre, ça fait bien, ça n’effraie pas les programmateurs…
Car comment qualifier autrement la chanson de Cécile Corbel qu’en parlant de « folk », précisément de musique celtique, même si, comme Alan Stivell ou Dan ar Bras, comme Loreena McKennitt, elle confronte parfois son art à d’autres sonorités ? C’est d’ailleurs à l’écoute de Malicorne (c’est du folk, pas de la pop !) que Cécile Corbel s’est prise d’envie de faire de la musique.
McKennitt, le nom est lâché : Cécile Corbel est peu ou prou l’équivalent français de son homologue canadienne anglophone. En disant cela, je pèse le poids d’une telle affirmation. Et de fait l’estime dans laquelle je tiens Cécile Corbel, cette Finistérienne native de Pont-Croix.
« L’or, l’argent, les émeraudes, ne poussent pas dans le jardin des amants, je préfère des fleurs de lune, des digitales ou un baiser de toi… » On ne va pas se rejouer le coup de la forêt de Brocéliande et de la fée Morgane, du sortilège du Bois des brumes pour évoquer Corbel, mais remarquez que c’est tentant. Ça procède de toute façon de cette magie, d’un tel ensorcellement arthurien. Il y a une grâce infinie en elle, en son chant et par son instrument de prédilection qu’est la harpe celtique, cet instrument que jadis Stivell père (Jord Cochevelou) et fils sortirent d’un long silence de plusieurs siècles.
On évoquera aussi Clannad et autres formations irlandaises de belle mémoire. Cécile Corbel est tout cela à la fois. Voulez-vous un gage de ma bonne foi ? Deux titres, Les courants d’air et Pierre & Marion sont ici chantés en duo avec Gabriel Yacoub, notre plus grand folk-singer hexagonal, qui plus est boss de Malicorne. Les autres duos sont du même niveau : un avec Faada Freddy, un autre avec Pomme. Et la participation de The Morrings & Manran et de Poppy Seeds. Que de la grande classe !
Il y a l’attente de la bien-aimée « les deux pieds dans l’eau à l’orée du vent » espérant l’aimé qui reviendra, l’absence pour laquelle on trinque dans les bars de Belfast (« O dis au garçon avec sa guitare / qu’il joue un air de danse »), ces autres filles, de Brest, « le coeur en rade en quarantaine ». Et ce jeune soldat, laissant sa Marion , pour partir « en guerre, comme on me l’a mandé »… Beaucoup de coeurs esseulés, d’espoirs et d’attente qui souvent sont souffrance : « Je descendrai jusqu’au lac / Là où vont les chevaux blancs / Et parmi les vagues qui dansent / Je balancerai mon amour / Toutes les promesses rompues / Il y a longtemps / Tous les territoires / Que mon corps connaît. » D’une chanson l’autre, Cécile Corbel, belle fiancée, navigue dans des entrelacs d’amour et d’absence, vagabonde dans les promesses de retour. La Vagabonde du titre de l’album, possible tzigane, ne fait pas autre chose « que passer / je n’sais plus la raison / Je ne sais plus aimer ».
Cécile Corbel, Vagabonde, Polydor Universal 2016. Le site de Cécile Corbel, c’est ici.
C’est une artiste merveilleuse que j’ai rencontré à ses débuts, mais vraiment ses tout premiers. Elle est venue six fois chanter et jouer pour notre association et, à chaque fois, nous avons eu les mêmes frissons. Elle est tout simplement une icône de la chanson bretonne tant par ses textes, sa musique, ses arrangements, mais aussi par son humilité, sa générosité. Cécile tu es pour nous un exemple de persévérance.Nous t’aimons très fort.