Vlan avec Mabz, chasseur de mots-cueilleur de sons

Mabz (photo Catherine Laugier)

28 octobre 2016, MJC l’Escale Aubagne, sortie de résidence,

Ceux qui aiment ranger les gens dans des tiroirs vont être très ennuyés « Les tiroirs, les placards, l’ordre, les casiers / Ont engendré le soldat, le soldat, la misère, la pitié, les tourments, le chaos et les mamans en sanglot / c’est pas pas rigolo ! (…) Quand il n’y a plus d’espoir, il reste encore du noir, à broyer, à fouiller, à pétrir, à creuser ».

Martin Beziers, dit Mabz, ne rentre dans aucune case, il dépasse. Remarqué dans un trio jazz et chanson sur le net, nous l’avons découvert sur scène dans des recréations de Brassens, puis dans la mise en musique et en action des correspondances d’Apollinaire, où il incarne aussi bien le rôle titre que les soldats des tranchées, chanteur, musicien, comédien. Mais il est aussi rockeur psychédélique et déjanté du groupe Fantasticus (en anglais) ou chanteur en  piano voix. Pour chaque activité  un nom : Sans Vergogne pour Brassens, leitmotiv de cette chanson trop méconnue déployée, revivifiée, résonnant comme chanson trad louchant vers le jazz et le world. Et Vlan pour le duo de chansons personnelles aux textes insolents et poétiques, piano contrebasse, puis trio avec les percussions, enfin récemment le quintet avec l’ajout de deux cuivres du plus bel éclat.

Pourquoi Vlan ? Parce qu’ils vont vous mettre une claque, tout simplement, Mabz au clavier et au mélodica, Guillaume Mongens à la contrebasse, Thomas Bourgeois à la batterie et aux percussions persanes, le daf (un grand tambourin) et le zarb (un tambour en gobelet de bois et  peau). Enfin Dolf Pleiter, le saxophoniste néerlandais qui abrite sous sa casquette une âme brésilienne, et Mathieu Esterni sous son chapeau, avec bugle ou trompette, bouchée… ou pas.

(photo DR)

C’est chanson, oui, textes originaux, mots qui s’ébouriffent,  sonorités qui sont déjà musique et sens, ou nonsense, halouf, plouf, perlimpinpin, sibyllin. Des noms qui font verbe « Je te complice deux doigts(…) je te glaive un rire ». Pas engagé dans le sens politique, mais dans l’humain, la vie, l’amour, l’enfant. « …de l’espoir au creux des reins / Demain sera le grand jour / De fermeture du magasin / L’espoir d’un aller sans retour / Une usine à gamin ». C’est sans cesse dégoût de la guerre, comme si s’être plongé dans les tranchées où souffrit Apollinaire l’avait à jamais marqué. Même si ces chansons ont sans doute été composées avant « Comme ces petits soldats de plomb que j’ai abandonnés dans un champ… » La conscience d’avoir Pour l’enfant à reconstruire un vieux monde qui expire dans les ruines, étouffé dans La mélasse, dans un faux progrès « Savez-vous planter des choux / Chevaliers, chevaliers / Sans armures, sans épées, sans chevaux /À la mode de chez nous / Il faut se dire des mots doux / Plaisanter c’est travailler / Et souffler c’est jouer ». Se savoir d’un monde à part, où la musique peut porter les gens, sans illusion sur son statut d’ Original : « Le drame des musiciens / C’est bien de plaire aux femmes / Sans un sou, misérable / Sans rien avoir à faire » Mettre une pointe d’humour absurde pour dédramatiser l’ambiance et faire participer le public « Y a des caillasses dans mes chaussettes »

C’est aussi savoir fondre le texte dans une musique qui vous prend tout entier, vous habite, vous bouscule, vous élève. Un vrai quintet de jazz, avec des soli époustouflants d’un saxo qui frise, d’une contrebasse qui répond aux beaux doigtés du zarb, les scat de Dolf, la Marseillaise qui s’invite au milieu de cet Homme de nulle part dénonçant le nationalisme, le solo de trompette déchirante sur Le diable valsera, ou les ponctuations vivifiantes du mélodica. Ces rythmes de tous les jazz, du blues aux variations dissonantes, dans un balancement entêtant qui est la patte de Mabz.

« Je me suis donné la peine / D’aller répandre sur les plaines / Le pollen du « Valse Monde » »

Le site de Mabz, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.

Bientôt sort l’album des musiques de « Et l’acier s’envole aussi » (Apollinaire) dont voici un premier extrait :