Clément Bertrand, son île entre le ciel et l’eau
Concert « Peau bleue » en duo électrique, MJC de Venelles, 1er octobre 2016,
En rentrant de Montréal, Clément s’attendait sans doute à trouver le soleil de Venelles. Il nous arrive droit sous un grain de grande marée, au risque de noyer ses fervents admirateurs. Qu’importe, lui est bien là, accompagné de son talentueux guitariste Nolan Rivetti à la Gibson, dans un duo brut de paumes aussi électrique que mélodique. Côte à côte, complices, sobres, avec des accolades amicales et des secrets qui s’échangent.
Clément c’est un roc, un pic, un cap, c’est entendu, mais peut-être aussi le petit blond sensible qu’il a été
« Maman poule couve un œuf / qu’a le jaune en coupe au bol. » Attentif à ce qui se passe dans sa tête et celle des autres, prêt à saisir l’humeur du temps qui passe, du copain qui se lasse, du paysage qui casse. Il bouge peu, commente peu, juste ce qu’il faut pour instiller l’envie du chant d’après. Joue de sa guitare acoustique, la prend dans ses bras, l’abandonne quand il est temps de susurrer. Il chante parle, et c’est grand vent d’émotion.
Plus de chanson engagée, on passe au cœur de l’intime, au corps, à la peau caressée jusqu’à l’os, jusqu’à l’âme. L’amour, la maternité, la vieillesse, la mort. Celle du copain de bistro que le piano dissonant de l’ami Gensse accompagnait avec tant de force, « C’est qui qu’est mort ? (…) Ça sourit dans le sens des rides / sous l’ombre en sapin du copain. » Puis quand le piano s’est tu, celle du frangin qui a décidé de se tirer qu’il berce de sa Réveilleuse. Celle de Mamie aussi, qui lui « a rendu [son] époux / Et fait maintenant / D’une pierr’ tombal’ deux coups. » Les choses les plus simples, Clément a sa manière à lui de les dire, c’est poésie et ça panse la peine. Il peint avec des mots de toutes les couleurs comme un autre avec son pinceau, son couteau, sa gouge. Ça ne se pose pas au hasard, ça se construit peu à peu, avec de la matière et du mouvement.
Car c’est hymne à la vie, celle qui grouille, qui palpite, qui fait du mal et qui fait du bien. Ça parle d’amour, de chair qui se vautre, de cœur écorché, ça parle du désir de « l’ultime brèche », ça n’a pas peur des mots, crus, rares, brûlants, jamais vulgaires. Le scénario sonne tellement vrai : « Elle était nue, presque nue / Entièrement je n’aurais pas tenu. » D’absence qu’on compense. Jamais aussi bien que quand il l’écrit au féminin « Elle va, sa main caressant le tissu qui la contient » ou encore « Cela inonde tant que ses doigts n’ont plus pied. » Qui d’autre pour mettre un baiser sur Ta nuque, sommet érotique, comme le font les Japonais, ou d’offrir un collier de Perles de sueur. Et de séparations, comme autant d’abandons, mais aussi de nouveaux départs. « Pour dev’nir puisqu’il faut qu’on soit / Chantons donc puisqu’on sert à ça. »
Le site de Clément Bertrand c’est ici, ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. En tournée en France et au Québec, le 5 octobre à la Manufacture, le 11 octobre au Festival de Marne avec Clarika. Création en mai 2017 de l’hommage aux sauveteurs de l’Ile d’Yeu, Ymer, centenaire de la tragédie de 1917.
Chouette papier, Catherine !
Tu as su trouver le bon angle, le bon niveau de langage et le bon ton pour sculpter qui est et ce que représente Clément Bertrand.
Ses frères de chant l’ont impressionné (comme le produit révélateur fait apparaître l’image sur le papier argentique dans la chambre noire) et les embruns ont fixé ses convictions, qu’il partage dans ses chansons cash et sensibles.
Et l’hommage à Greg Gensse est également fort touchant.
Merci Catherine.
Merci Clément.
Merci Nolan.
Et merci Greg.