La complainte du québécois Moran
« On dit que ce qui monte / Doit redescendre / De la fumée à la cendre / La chute est libre… » Il n’y a rien qui ressemble plus à un album de Moran qu’un autre album de Moran. On le sait et on y plonge chaque fois, singulière et perverse gourmandise, dans la poisse des mots et cette interprétation éraillée, comme fatiguée, pas désespérée mais… Moran est une longue plainte qui vous étreint, comme un cri étouffé, un appel à je ne sais quel possible secours, quel éventuel recours. Le monde qu’il chante, intérieur, extérieur, tombe en lambeaux : l’amour, l’envie, l’en vie, les paroles… « Et je tombe et tombe encore / Tu prends ton plaisir dans ma chute ».
Ici les chiens ont peur de ne plus savoir, de ne plus pouvoir gueuler. Tout est infinie mélancolie par anticipation, tristesse d’un temps qui finit par venir. Tout est émotion ici encore, mots feutrés et guitares qui tirent sur les cordes. Fausses confidences, introspection, amours contrariés, orgueil, désirs, des êtres comme des sentiments fragilité, et ce poids du monde, des événements du monde, de Dieu qui en est le cancer (les récents attentats en filigrane), tout concourt à une écriture aussi douloureuse que définitivement belle. Il y a comme un langage propre à Moran, vocabulaire et intonations mêlés, sans équivalent.
Réalisé, enregistré et mixé par lui-même et son complice Thomas Carbou, mis en conserve rue Casgrain (!) à Montréal, ce quatrième album voit la participation, en invitées, de sa consoeur et compagne Catherine Major (Tic-tac) et de Luce Dufault pour une reprise d’un des titres emblématiques de celle-ci, Soirs de scotch. L’art de Moran est proche de ses influences : un folk-song tendance Bob Dylan adoubé au meilleur de la chanson française tendance Ferré.
Moran, Le silence des chiens, Ad Litteram (Canada) 2016. Le site de Moran, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Sortie France le 30 septembre 2016.
Commentaires récents