Fête de l’Huma 2016 : au faîte de l’humanité… [2/4]
Samedi 10 septembre 2016,
Véreil un peu fidicille, dicifille, l’amotsphère, l’atmorèsphe, l’ambiance est un peu toconneuse, euh, cotonneuse ce matin, l’eau de source devait être trelafeé, fretalée, bref pas très catholique et je pèse mes maux… Vite, un petit café au poivre tout droit venu des hauts plateaux éthiopiens (si, si), et hop, nous voilà frais et dispos, d’attaque pour un petit déjeuner plantureux qui prendra la forme d’un joli plateaux de fruits de mer… C’est aussi ça, l’Huma ! Le soleil tape déjà comme un marteau sans faucille sur le camping, tout ceux qui on déjà campé imagineront sans peine le climat tropical sous les tentes. Sauf que. Sauf que… Voici l’heure du petit coup de pub totalement désintéressé pour le tout dernier modèle Black & Fresh d’un célèbre fournisseur de matériel de camping, lequel tient vraiment toutes ces promesses en offrant fraicheur et pénombre, ce qui est tout sauf un luxe en ces circonstances… (Mr et Mme Quel Choix peuvent envoyer le chèque à l’adresse habituelle…).
Bref, quelques huitres et tourteaux plus tard, nous nous retrouvons à baguenauder le nez au vent au milieu de la foule bigarrée. Dites-moi où, n’en quel pays est Flora la belle Romaine l’on peut trouver une telle profusion, une telle diversité de styles, de genres, de trognes, d’âges et de looks ?
Déjà le programme de la journée se fait impérieux (on n’a pas des vies faciles…) et nous voici installés légèrement en surplomb de la Grande Scène, sur la petite colline stratégiquement placée sur la gauche, sur la gauche, forcément. A nos pieds, la grande prairie n’en porte déjà plus que le nom, tant l’herbe rase a déjà souffert des assauts de la foule. Le moindre brin d’herbe est déjà grillé comme Hervé Mariton dans la grrrrrrrande course à la primaire démocratique préfigurant le renouveau de notre beau pays. Il est 14 heures, et la sublime Rokia Traoré fait son entrée, impériale. Le soleil, implacable, nous enclume de ses rayons ardents, nous transportant en un clin d’œil au sein des paysages subsahariens. C’est bien simple, pieds nus sur la (trop rare) herbe sèche, on se croirait du côté de Tombouctou, habités par l’âme de la savane aride et avide de sons avisés… D’ailleurs, au dessus de nos têtes, une girafe rose prend majestueusement son envol. Nos pensées, elles, volent vers ce malheureux petit enfant qui, quelque part, vient de laisser son beau ballon tout neuf reprendre sa liberté stratosphérique… Hiératique, très classe en sarouel sensuel et bustier argenté, Rokia s’avance, drapée dans sa beauté de reine noire androgyne au beau crane rasé, tel un faramineux pharaon phéromoné… Sa belle voix claire porte haut et doux un ethno blues à la Tinariwen, en français, en anglais et en bambara. Le set s’électrifie peu à peu, et de douceurs diaphanes, les pulsations se font plus présentes, plus sauvages aussi et nous emmènent peu à peu dans un tourbillon virevoltant et échevelé. Pizzicatée de-ci de-là par les petites notes aigrelettes du n’goni, cette drôle de petite guitare malienne en forme de cacahuète, la batterie enfle, grossit, grandit jusqu’à faire battre les cœurs à l’unisson, un seul gros chœur de plusieurs milliers de personnes, en fait… Alors que la diva se harnache avec grâce d’une élégante guitare électrique, devant la scène immense, certains, emportés par le rythme indolent, dansent allongés, et c’est beau… A nos côtés, indifférent à la chaleur de four, un gros panda joue avec des balles multicolores. Dans la foule, jongleurs et danseurs de bolas accompagnent les ondulations des corps qui s’adonnent aux caresses de la musique. Un coup d’œil gourmand vers ma voisine ravissante (qui se reconnaitra…) me le confirme sans ambages : oui, la musique adoucit les meufs… Lorsque la voix se force, elle se fait lionne et rauque, féline et feulante. Rokia, on est tous mandingues d’elle !
A peine le temps de quelques rafraichissements bien mérités, et nous chutons sans transitions dans une faille spatio-temporelle vertigineuse, avec la reformation inespérée des Ludwig Von 88 ! Sur la même Grande Scène, c’est un bonheur ineffable que de retrouver les trois trublions de ce mythique combo punk-rock alternatif à géométrie variable. C’est bien peu dire que cela replonge directement dans des pogos homériques au sein de squats improbables, mais je vous parle là d’un temps que les moins de… oh, et puis merde ! Pogooooooooo !!! Toujours aussi loufoques et théâtraux, les Ludwig envoient toujours du lourd avec un humour potache qui n’appartient qu’à eux ! Masques grotesques, capes et chapeaux de cow-boys, girafe (encore !) et poney (encore !) sur scène, lâcher de ballons géants dans la foule déchainée, le groupe ne nous épargne rien, pour le plus grand plaisir de tous ! Les titres immémoriaux s’enchainent à toute vitesse, J’ai tué mon père, Nous sommes des babas et beaucoup d’autres ! Les Ludwig, houlala ! Mais voilà que je m’aperçois que je viens de dépasser le quota de dix points d’exclamations qui m’était octroyé pour ce concert. Programme chargé oblige, nous sommes obligés de foncer à l’autre bout du parc pour une toute autre ambiance…
Durant notre marche vers le concert suivant, je fais le constat de ce symbole terrible : des pistes du Bourget tout proche décollent et volent au dessus de la Fête d’insolents et luxueux jets d’affaire…
Scène Zebrock, tout à l’opposé, donc, 15h20, nous retrouvons sur scène, devant une esplanade noire de (beau) monde, notre chouchoute Clarika. Toute pimpante dans sa petite salopette noire et son t-shirt gris, crinière toujours aussi fournie, mais plus claire, au vent, nous la retrouvons espiègle et bondissante, contre vents et marées. La formule scénique donne au set une énergie résolument rock, sans toutefois faire oublier la belle noirceur des textes du dernier album, sorte d’exorcisme de style post-rupture amoureuse. Les incontournables sont bien sûr là, et bien là, Les garçons dans les vestiaires ou Moi en mieux. « C’est danser comme Shakira sur des textes de Barbara », tout Clarika est dans cette phrase ! Mais les nouveaux titres sont de tendres et terribles petits bijoux vénéneux, du genre à froisser un cœur avant de le jeter à la corbeille à papiers… et de fait, même les anciens titres semblent prendre une troublante iridescence fragmentée, témoin ce troublant Ca s’peut pas à la cruelle résonance, ou ces vaillants Patineurs, vacillants sur leurs lames acérées. Autre titre terriblement d’actualité, géopolitique celle-là, avec Bien mérité, aux échos glaçants « On prend pas un bateau quand on sait pas nager… » Après un changement de tenue en coulisse, la belle nous revient drapée dans une longue robe fluide pour nous gratifier d’une belle reprise de George Harrison, ainsi que du superbe Je ne te dirai pas, sans doute l’un des plus beaux textes de ce septième album… De l’émotion à l’état brut, que vous pourrez retrouver au Trianon en février de l’année prochaine. L’après-concert sera l’occasion privilégiée de beaux échanges back stage avec Clarika, touchée de pouvoir partager des souvenirs de moult et moult concerts depuis ses tout débuts. Son petit clin d’œil aux Enlecteurs et Enlectrices de NosEnchanteurs prendra la forme du petit mot à vous destiné et que vous avez découvert ci-dessus, chanceux que vous-êtes.
16h40 : A nouveau changement radical de style et d’endroit. Je vous promets que depuis la scène Zebrock, pourtant tout à fait à l’opposé, nous l’avons entendu entrer en scène et apostropher son public en hurlant… Le temps de retraverser toute la fête en fendant péniblement la foule compacte, et le voilà en chair et en os, bondissant et menaçant, Joey Starr himself, mesdames-zé-messieurs ! Enfin, il serait plus honnête de reprendre l’intitulé du programme, à savoir Carribean Dandee, constitué du zigoto susnommé et de son comparse Nathy, lequel ne démérite pas sur scène, mais imaginez un peu ce que cela doit être que d’exister en scène à côté du gars Morville.. !
Éructant, dégoisant, feulant, haranguant la foule, c’est un jaguar en grande forme qui prend possession de la gigantesque scène et l’embrase au gré de ses rugissements sauvages… Pris entre les beats martiaux et l’enclume (je l’aime bien celle-ci, tiens…), nos tympans se recroquevillent en position de survie tandis que les basses vrombissantes semblent vouloir nous kidnapper un battement de cœur sur deux, nous laissant hébétés et épuisés au bord de la syncope (priez pour nous). Situé d’où je me trouve, sur le côté de la scène, une énorme attraction foraine perchée sur la colline semble, avec la perspective, faucher son content de têtes dans la foule à chacun de ses balancements menaçants… Et cela colle parfaitement avec l’oppression auditive que balance le gaillard, fidèle à son personnage de tueur à gages, sniper et sans reproches. Percés d’un soleil inquisiteur, les nuages de poussières s’élevant de la fosse en folie semblent une nuée inquiétante née sous les noirs sabots des chevaux Nazgûls… A quelques mètres de l’endroit où je me trouve, le fauve en liberté, entre deux grognements spasmodiques, descend soudainement dans le public une bouteille à la main et, communiant au sens littéral du terme, distribue à la ronde de généreuse rasade de vieux rhum. Pur moment de folie ensuite lorsque, remonté sur scène, il joue de la voix avec les mouvements de la foule, la déplaçant de gauche à droite ou la faisant reculer de plusieurs dizaines de mètres avant de foncer sur les premiers rangs désemparés. Et d’ajouter, goguenard : « Waouh, j’espère qu’il n’y avait pas de gosses… » Espérons-le aussi !
Bon, on papote, on papote, mais avec tout ça, nous n’en sommes encore qu’à la moitié de cette folle seconde journée, alors je vais vous laisser reprendre quelques forces et vous raconter la suite dans un autre papier. On fait comme ça ?
Puisque demain est un autre jour…
Les albums photos de Vincent Capraro : Clarika, Rokia Traoré, Ludwig Von 88, Joey Starr, Nathy et Carribean Dandeer.
La première partie de ce périple, c’est ici ; la troisième c’est là ; la quatrième et dernière, c’est ici.
Les papiers de Patrick (fort) Engel sont toujours aussi « jus-bile-hâte-ou-art ».
Mais, quand il s’agite de l’affect de l’Huma, il faut bien reconnaître qu’il se surpasse !
Bravo pour cette série d’articles qui, d’aimer, nage…
Et encore, cet article n’est que le second d’une série de quatre, avec chaque fois des photos étonnantes de Vincent Capraro. Bravo !
Certains esprits chagrins aimeraient ne voir en NosEnchanteurs qu’un site au ton unique, voire sectaire. Il suffit de le lire au quotidien pour s’apercevoir que NosEnchanteurs éclate de fragrances différentes, d’une variété de tons assez unique tant dans la presse chanson « web » que dans celle « papier ». Avec de très belles signatures, parmi lesquelles celles de Patrick et de Vincent quand ce dernier, en plus de son lourd appareil photo, pense à prendre son carnet et son stylo.
Ce mois-ci nous allons accueillir un nouveau membre dans l’équipe rédactionnelle, qui justement viendra renforcer, sur Paris, Vincent et Patrick.
Le très grand panorama de la chanson qui s’inscrit jour après jour sur l’écran de NosEnchanteurs témoigne de son constant soucis d’ouverture.
Bon ce n’est pas pour flatter les collègues mais là respect absolu Patrick ! Je ne sais pas si se sont les mojitos, le muscadet, les huitres ou les tourteaux qui donnent ce talent ? ou bien peut être une belle humanité et sensibilité rare ? Mais dès l’année prochaine à moins que Michel nous soumettent à un contrôle antidopage strict, je passe sur le stand des écaillers des le premier jour!
« Blue Oyster Cult » programmée à la fête 2017 ?