FanFan fait collection de timbres (pardon : de goguettes !)
Pour Wiktionnaire, dont les références sont pour la plupart puisées dans le dictionnaire de l’Académie française de 1932-1935, une goguette est tant un joyeux festin (où la liberté est de règle) qu’une plaisanterie ou des propos joyeux. Ou encore une société chantante, réunion amicale d’amateurs de chansons. Dans son ouvrage Il était une fois la chanson française, feu Marc Robine précise que les goguettes « sont une sorte de contre-pied ouvrier aux différents caveaux [de la chanson] ».
Pour certains, désormais, c’est aussi le nom donné au texte qui se substitue à un autre sur un même air, air connu il va de soi. On nomme aussi ce fait de « timbre » qui, dans le domaine de la chanson, est une mélodie pouvant recevoir des paroles différentes et interchangeables. Et qu’« on appelait jadis en France recueil de timbres, un recueil d’airs sur lesquels on pouvait placer des chansons, ce qu’on faisait jadis habituellement, notamment dans les goguettes » précise Wikipédia.
Le terme « goguette » se serait-il étendu à ce qu’on y chantait ? Toujours est-il que des comme Christian Paccoud ou FanFan parlent de « goguettes » et surtout pratiquent.
Va donc pour « goguette » ! L’universitaire (de son vrai nom Françoise Mingot-Tauran), éditrice et par ailleurs chanteuse FanFan vient d’en faire un recueil, une sorte de « collection de timbres ».
Une goguette ne fonctionne vraiment que si l’air, le « timbre » est connu. La Madelon, Le déserteur, La petite Tonkinoise, Lily, Cadet Rousselle, Aux marches du palais ou Le temps des cerises… le genre suppose une connaissance commune. Ça fonctionne moins bien, comme c’est le cas ici, avec Le sculpteur et le cerisier, quand bien même écrit, composé et chanté par respectivement Leprest, Pierron et Solleville. Celle-là et quelques autres, connues d’un cercle restreint. Et FanFan (Françoise Mingot-Tauran) reste (hélas ?) dans l’environnement d’une certaine chanson dite de qualité, dans un entre-soi certes agréable, bien rassurant, mais qui, hors ce cercle, fait que ces chansons sont peu chantables, que les goguettes qui en sont tirées peuvent ne pas fonctionner. Dans cet exercice, il est intéressant, indispensable, d’aller chercher quelquefois des airs plus populaires encore, tels ceux popularisés par des Joe Dassin, Michel Sardou, France Gall ou Marie Laforêt, y’a pas de honte bien au contraire. Quand on plagie une chanson pour défendre une cause lors de manifestations, on ne va pas chercher un timbre que personne ne connaît. Pour appeler la départ de Sarkozy en 2012, on chantait Adieu monsieur le président sur l’air d’un titre célèbre d’Hugues Aufray.
Ceci ne réduit pas l’intérêt de ce recueil.
« Que sont les paroles devenues / Que je gardais entretenues / Et tant aimées / Elles ont été trop galvaudées / Réseaux télé les ont vidées / De toute sève… »
Un tel nombre de propositions nouvelles sur des airs la plupart entêtants ne peut se lire comme un livre de tout venant, fut-il un recueil de chansons. On ne peut que fredonner, en silence comme à plein poumons, chacun des soixante-trois titres de ce recueil : de toute façon une chanson orpheline de musique n’en est pas vraiment une. Là, FanFan se fait parfois plaisir en corsant l’exercice : chanter sur l’air inversé (partition lue à l’envers) de J’aime la galette est franchement hors-jeu : ce n’est plus un timbre mais une prouesse, une pirouette de musicien. De même qu’une chanson se doit de rester simple, de ne pas viser le grand exercice littéraire, ce qui est un des péchés gourmands de FanFan (« on le lui pardonnera au nom de son cursus auquel elle tente d’échapper » s’en défend-t-elle à la troisième personne dès l’entame du livre).
Cet ouvrage, qui est peut-être le début d’une collection dédiée aux goguettes, est assez inégal. Mais ce qui est bon l’est, drôlement même. La plupart des (nouvelles) paroles ont été – difficulté supplémentaire – des sujets imposés lors de joutes au Limonaire, à Paris. Convenons de FanFan s’en est bien tirée.
Concluons par cette « goguette » certes publiée dans ce livre mais qu’on ne doit pas à FanFan. Elle est de Gérard Gaillaguet*, sur l’air connu d’une chanson de Brel :
« Avec tout ce travail qui n’aurait plus de code
Avec ces pauvres gens fourbus que l’on engode
Et de vagues discours pour apaiser les foules
Alors que tout s’arrête et que plus rien ne roule
Avec infiniment de manifs à venir
Avec le vent debout, écoutez-le rugir
Le peuple gris qui est le mien »
Fanfan, Quand sera venu le temps (Goguettes), Wallâda 2016, 10 €. Le site de Wallâda, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs à déjà dit d’elle, c’est là. La prochaine publication de Wallâda sera justement de Gérard Gaillaguet : la suivante de Philippe Guillard.
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