Barjac 2016. Camerlynck juste lauréat du Prix Jacques-Douai
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Deux lauréats pour ce prix Jacques-Douai 2016 présenté, comme il se doit, avec le rituel de rigueur, par son créateur Jacques Bertin. Jean-François Grandin, animateur de l’émission Le temps ne fait rien à l’affaire sur Marmite FM, radio locale « à vocation culturelle, éducative et citoyenne » sur Saint-Quentin-en-Yvelines. Et Christian Camerlynck, évident lauréat : on se demandait juste quand arriverait son tour. C’est chose faite.
Camerlynck n’est qu’interprète et c’est important qu’à ce titre il soit récompensé. Interprète depuis toujours, depuis bien avant la mode des reprises, si envahissante de nos jours. De toute façon, Camerlynck a le goût et le talent de se mettre en bouche parmi ce qu’il y a de plus beau dans la répertoire.
Rappelons que le Prix Jacques-Douai a été créé il y a dix ans. Il est décerné chaque année à un artiste, une personnalité ou une structure qui, par son action ou son œuvre artistique, fait vivre la chanson francophone, le répertoire et les idéaux que Jacques Douai a portés toute sa vie : célébration de l’art de la chanson, respect et souci d’élévation du public, émancipation par la culture et l’éducation populaire.
Pour vous présenter Christian Camerlynck, s’il en était besoin, je n’ai pas trouvé mieux que de reprendre un mes articles vieux d’il y a plus d’une dizaine d’années*..
Et vous trouverez ici son discours de lauréat, qui fut à Barjac un très grand moment d’émotion.
Le premier titre de Debronckart que Camerlynck ait un jour osé interpréter est Je suis comédien. Et ça lui va bien à Christian Camerlynck, artiste qui a l’humilité de n’être qu’interprète. Chacune de ses chansons est rôle nouveau : il est comédien. Ses scènes à lui, délicat ébéniste du mot qu’il ajuste à sa voix, sont planches. On se prépare à un récital mais c’est déjà autre chose, une façon différente d’exercer son métier de chanteur. Il est, entre tous, atypique. Et impressionnant. D’amples habits couvrent sa carrure conséquente. Au gré des jeux d’ombres et de lumières, la silhouette est émouvante, majestueuse. Corps imposant et mains calleuses gesticulent, font comme chorégraphie ; la masse fait étonnante légèreté.
Camerlynck revisite, sur scène, les fantômes de ses théâtres, les coulisses de sa mémoire. On y parle d’enfance, de maternité même, issue fœtale vers la vie. On y est transporté en divers lieux, Comme à Ostende ; on y rencontre ses amis, souvent disparus mais pas tous ; on y célèbre la femme et, plus encore, l’amour et les vérités, celles restant à dévoiler : « Je cherche ma vérité / Je rejette en bloc toutes les définitions de ma féminité / J’ai cent mille vérités / Je découvre mon corps / Je caresse mes rides / Je touche ma vérité. » Rien de ce qu’il chante n’est là par pur hasard, rien n’est anodin : l’homme est engagement qui parle à nos consciences.
Penché le long du long piano noir, assis ou foudroyant l’air de ses gestes, l’artiste fardé n’est pas en concert. À peine en représentation. Il vit intensément, passionnément, les rôles se bousculant en lui qui, au bout du compte, ne font qu’un. Il est masculin et féminin à la fois, difficile partition mais « Comment avoir la part des êtres dans un monde qui ne fait que la part des choses ? » Camerlynck apparaît solide comme un roc, grand et fort comme le plus beau des chênes. D’ailleurs, son pianiste et complice se nomme Roseau… Mais c’est la fragilité qui le caractérise sans doute le mieux. Le moule doit être cassé, car de tels artistes interprètes n’existent plus, ou plus beaucoup : Camerlynck est d’une autre époque, d’un rapport différent. Vieux et… terriblement moderne à la fois. Il nous chante Sillano, Lohé, Mouron… Raymond Asso aussi, par Tout fout l’camp : « Et, là-haut, les oiseaux / Qui nous voient tout petits, si petits / Tournent, tournent sur nous / Et crient aux fous, aux fous. » Cette voix, qui parfois fait songer à Mouloudji, ce corps, tout est émotion… Sur un texte de Jean-Louis Caillat, il nous fait Bosco. Qui fait le beau, qui aime sa trapéziste. Clown difforme, lumineux d’amour : « Le chapiteau est en liesse / A me voir laid le monde est beau, quelle adresse / Touchez ma bosse mes seigneurs, c’est du bonheur. » Ça l’est effectivement. C’est touchant. Car, une fois encore, c’est tout un être qui chante, un « corps-voix ». Tiens, comme le label qui signe sa vie artistique. On ne peut trouver meilleure définition pour cet homme d’exception, de totale fulgurance.
Le site de Christian Camerlynck, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. *article publié dans les pages du fanzine lyonnais A Fleur de mots n°21 de mai-juin 2004 sous le titre « Christian Camerlynck, touchez sa bosse c’est du bonheur », et republié sur NosEnchanteurs en janvier 2011
Bel éclairage sur Christian Camerlink.
J’aurais aimé aussi en savoir plus sur Jean-françois Grandin, ce formidable passeur en chanson.
Le mieux pour connaître Jean-François Grandin est sans doute d’écouter l’émission qu’il anime. Pour ça, vous pouvez cliquez sur le nom de son émission (en rouge) dans l’article.
Camerlynck j’y tiens et non Camerlink mais vous êtes pardonnée
Bonjour
Pour le Prix Jacques Douai 2015, ce n’est pas Gérard Pierron, mais Marie-Thérèse Orain et Paule-Andrée Cassidy qui ont été récompensées, Marie-Thérèse Orain, interprète et Paule-Andrée, auteur et interprète.
Etourderie vite corrigée. Mais merci, Maëlle, pour votre message.
Merci pour le message concernant le prix Jacques Douai et le lien avec mon discours. Reprendre un article ancien a quand même le désavantage de ne plus être dans l’actualité de l’artisan cité. J’ai un nouveau spectacle déja joué 22 fois et qui sera repris 18 soirs à Paris à la fin de l’année. C’est Nathalie Fortin qui m’accompagne désormais et non plus Jean Paul Roseau.