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Avignon Off 2016. Chansons ! d’Amurs ! Philologie de l’amour…

(photo Catherine Laugier)

(photo Catherine Laugier)

Frédéric Salbans et Aimée de La Salle, Atypik théâtre, 29 juillet 2016,

 

Une rencontre côté cour (cent styles d’un même récit décliné par Raymond Queneau) concrétisée côté jardin, ça peut donner des idées… Pourquoi ne pas continuer la route ensemble en décortiquant les sentiments dans tous leurs états ? Voilà l’éditeur arlésien amoureux attelé à la description de cette maladie qu’on nomme amour.

Son domaine, la culture littéraire et musicale (Actes Sud, Harmonia mundi, excusez du peu !), baignant tant dans la musique classique  que dans la musique du monde.

Une contrainte, faire simple dans l’accompagnement musical, pour ne pas nuire à la progression dramatique et laisser toute la place aux surprises du texte; c’est donc de sa seule Gibson 335 qu’il accompagne les instruments essentiels que sont les voix, sur fond  jazzy, parfois bossa salsa ou tango. Celle claire et séduisante de l’ACI chanteuse (baroque comme blues, jazz ou maloya), conteuse, metteuse en scène, habile au scat et variations vocales en tous genres (tels les glouglous et autres flous flous du petit sous-marin où voudrait buller leur amour.) Aimée la bien nommée, interprète idéale de ce discours amoureux où elle tient la place de la muse quelque peu fatale. On a presque envie de crier à Frédéric, tortue les pattes en l’air ou alpiniste en manque d’oxygène, « Mais si elle t’aime, prends garde à toi ! »

Et la voix  de l’auteur,  qui vibre et frémit de l’émotion d’aimer. En duo alterné ou quelquefois en chœur.

Le décor, un simple rideau noir, les costumes, un complet pour lui, une petite robe noire et une rose rouge au décolleté pour elle. Accessoires : un ballon de baudruche rose, des gants mapa noirs à revers en plissé vichy.

Dans les rues d'Avignon (ph DR)

Dans les rues d’Avignon (ph DR)

Le premier rendez-vous tient de l’aventure initiatique, où noirs sont les dames, les léopards et les avions fantômes, tout comme les hôtes des cieux ou des profondeurs,  hiboux ou mérous mais ni cailloux ni genoux. Noirs encore les écrits d’Isidore Ducasse (alias Lautréamont, et ses chants de Maldoror, sombres écrits horrifiques et vertigineux, NDLR)  à lire en attendant le soir du rendez-vous « Le plus simple serait de faire / Une chanson pour phacamochère / Y comprimer la rime à mort /Jusqu’à ce qu’elle fasse ressort »  Un phacamochère est un animal mythique mi sanglier-mi loup qui est au Var ce que le dahu est aux Alpes. « Bienvenue, bon concert, bonsoir. » L’ambiance est mise.

De l’initiatrice Odette experte en dégrafage de porte-nénés comme en pose de préservatif « sans perdre [de] principe actif » et qui œuvre « en teste-amants », à la nécessaire danse de salon propice aux rapprochements (ah les doux accents de guitare et les murmures à bouche fermée d’Aimée !) , Frédéric continue à nous distiller ses jeux de mots – mots de jeux érotico-littéraires propres à aiguiser les esprits comme à titiller les corps. C’est le « tango des supers flux » qui mène à « des dispositions pour rester coït à croupetons. » On reste poli cependant : « Si quand j’avance, tu recules » rime avec particules, qu’alliez vous penser ?

A l’agence matrimoniale à court d’humains, sur fond musical métallique détonant, il est prévu de leur substituer un droïde, « Les bioniques / Niquent bio / Les atomiques / Niquent au chaud ».

Des yeux beaux bien que marron,  à l’haleine douce, acidulée au  chewing-gum, gros ballon rose collé au poitrail, décalqué près du cœur « Depuis ce temps on se lave plus / De peur d’effacer ce rébus », pour l’un, des yeux verveine pour l’autre,  du « battement d’elle qui [l’]a touché » se déclinent les mille raisons de s’aimer. Comme dans des Tours de magie aux allusions mi-SM, mi-sexuelles « baguette magique glissant dans ta manche », « vieux caniche qui rentre à la niche », singe savant….

C’est là que le rêve se brise et qu’entrent en scène les gants mapa pour une séance de récriminations assez rock, avec tout ce qu’on aurait aimé et qui n’est pas arrivé,  enfant, maison… même un épagneul breton « Qu’aurait scellé notre amour pour de bon », et « que tu sois / que je sois surtout moins con » sauf que la réconciliation sensuelle arrive très vite « sous ta robe » sur un air de salsa « Qu’on soit à deux / si prêts / Ci pice (…) Que c’est beau ça  / C’est pas / Salça ».

Une proposition moins concentrée que celle imposée par le cadre du Festival (14 chansons sur 50 minutes) permettrait sans doute de quitter le seul domaine du désir dans toute sa virtuosité drolatique pour mieux faire ressortir la tendresse qui sourd déjà dans Aimer, laisser enfin le O du mot amOur apparaître : « Elle s’est blottie à mes côtés / A ses joues le rouge effleurait / Nous sentions que la terre changeait / Le rêve sous mes yeux commençait », celle qui apparaît dans une valse en  bis, tendre duo hommage « A tous ceux qui nous ont quittés ».

 

Le site des Salbans / de la Salle, c’est ici. On y trouve l’album audio du spectacle enregistré en mars dernier.

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