Barjac 2016. Philippe Torreton, tonnerre de Leprest
Le festival de Barjac subit les outrages des orages et endure les dures conditions des spectacles en plein air, même dans les régions où l’été est sec ! Dommage, car la prestation de Philippe Torreton reprenant les textes d’Allain Leprest avait formidablement commencé sur la grande scène. Il était accompagné d’un percussionniste subtil dont les sons créaient un climat ajusté au déroulé des fulgurances de Leprest. Une fois lancé on ne pouvait imaginer un autre instrument d’accompagnement aussi pertinent. Et la déclamation du comédien, sa voix puissante et sa gestuelle donnaient aux textes un éclat et une résonance, une réalité quasiment palpable. Le monologue avec Mec était d’une belle épaisseur humaine, aussi prenant que Jef par Jacques Brel ! Le son de la voix et les envolées lyriques dessinaient un saisissant portrait de Chien d’Ivrogne. Quand vient l’intime, l’inavouable de On n’était pas riche, le ton du récitant se fait plus doux, plus secret, plus touchant, comme dans les énumérations de Combien ça coûte. Et si la hâte de Ton cul est rond est justifiée et bienvenue, on aurait aimé découvrir avec moins d’emphase et plus de minutie le petit capharnaüm du Sac à main de la putain !
Au demeurant, l’ensemble des mises en scènes vocales et gestuelles était éblouissant, et visiblement l’artiste vivait intensément chaque texte, les enchaînant parfois l’un à l’autre sans laisser de place aux applaudissements. La pluie est arrivée – ça ne s’invente pas – quand il a commencé Il pleut sur la mer et le spectacle a été interrompu après Y a rien qui s’passe ! Juste au moment où le talent de Philippe Torreton, qui aurait pu ainsi réciter n’importe quelles chansons, se faisait exceptionnel en rencontrant la puissance des textes d’Allain Leprest… Sur chaque titre, le spectateur faisait une redécouverte évidente de l’écriture de Leprest, de ses enchainements extraordinaires de métaphores, de son sens de la progression, de la précision de ses portraits. Peu d’auteurs de chansons, à part Georges Brassens, Rémo Gary ou Anne Sylvestre et quelques autres, pourraient sortir grandis d’un tel traitement. Philippe Torreton est comme une moissonneuse dans un champ de blé, qui avale tout le chaume et, quand la récolte est de qualité, en ressort le grain pur. On n’aurait pu mieux commencer cette édition du festival : les éclairs et le tonnerre étaient à l’unisson de la vigueur de l’artiste et de l’ambiance de la fête que seule la pluie a pu écourter.
Ce que NosEnchanteurs à déjà dit de Philippe Torreton, c’est ici..
Un article qui m’avait échappé , très bien écrit et qui nous fait regretter de ne pas avoir été là.