Spa 2016. Les tristes Charlots de la chanson

Les Charlots (photos François Evrard/Les Francofolies Spa)

Francofolies de Spa, 22 juillet 2016,

C’était à coup sûr le concert le plus surprenant de cette édition 2016 des Francofolies de Spa. Pour fêter leurs 50 ans de carrière, Les Charlots remontaient sur scène ! Cette annonce m’avait plongé de prime abord dans un profond scepticisme. Car les Charlots, c’était quand même et avant tout le groupe de Gérard Rinaldi, tête pensante et, de loin, le meilleur acteur de la bande, auteur des paroles de leurs chansons et, last but not least, voix exceptionnelle pouvant en remontrer aux meilleurs crooners de Las Vegas. Or, ce dernier n’ayant a priori pas ressuscité, sous quelle configuration exactement le groupe allait-il dès lors se présenter ? La réponse est simple, si on suit bien : c’est Richard Bonnot qui ré-officie à nouveau comme chanteur (il avait déjà assuré l’intérim de Rinaldi de 1988 à 1997, quand ce dernier était en bisbille avec ses condisciples), Jean Sarrus reste le pilier inamovible, et comme Gérard Filippelli est à présent aux abonnés absents, ils sont allés repêcher Jean-Guy Fechner, qui avait quitté le groupe depuis 1976 ! Bref, la dénomination « Les Charlots » reste, mais le personnel est variable. Pourquoi pas ? Après tout, Nicolas Sirkis continue à se présenter sous le nom d’Indochine…

Les Charlots furent des énormes vedettes dans les années 70. Dans la chanson, certes (ils avaient débuté en tant que musiciens d’Antoine, sous le nom des « Problèmes »), mais surtout dans le cinéma. Leurs films sont totalement irregardables aujourd’hui, sauf d’un oeil de sociologue soucieux de comprendre les aspirations de la jeunesse de cette époque. Leurs chansons, souvent très bien écrites, ont mieux supporté la patine du temps. L’humour y était gentiment irrévérencieux, d’une contestation de bon aloi et la grivoiserie, qui en était partie prenante, ne tombait pas dans la vulgarité pour autant. La perfection du chant de Rinaldi permettait en outre de faire passer les pires horreurs (découvrez par exemple la parodie de la chanson de BibieTout doucement, qui est digne des meilleurs dialogues d’Audiard ou des chefs-d’œuvre de San Antonio),

ET AUSSI…
Dalton Télégramme est un groupe belge, dont Catherine Laugier vous a chroniqué le premier CD il y a peu. Je vous confirme pour ma part l’excellence scénique du band, qui nous a livré un set emballant de chansons country où il est question de faire fondre le cœur des japonaises, de trouver le meilleur moyen de liquider son ex ou de vibrer pour la ville de Liège… Beaucoup d’énergie, un son western peu courant dans la production actuelle, un chanteur très attachant au look de motard en Harley, des morceaux bien construits, écrits et interprétés… Que demande le peuple ?

Que reste-t-il de tout cela aujourd’hui ? Pas grand-chose, malheureusement. Que le groupe débarque avec des chansons de 30 à 50 ans d’âge, why not ? Le problème est que les vannes et les semblants de sketches intercalés entre les morceaux ont cet âge-là aussi, ainsi que le fonctionnement du groupe (en gros, le chanteur joue le clown blanc qui essaie de mener le bateau à bon port, les 2 autres se contentent de faire les chœurs en jouant les andouilles et en lâchant des blagues à deux balles). Tout cela sent le rance, le démodé, le has been. Le manque de rythme est pesant et les plaisanteries éculées tournent autour du sexe, des homosexuels ou du rôle d’idiot endossé par Jean-Guy Fechner (ouf, on a échappé aux blagues sur les belles-mères…). Certes, cela a le mérite d’être bon enfant et grand public, mais vu l’humour corrosif pratiqué aujourd’hui, c’est avant tout totalement inepte et pas drôle !

Restent les chansons, qu’on a plaisir à redécouvrir. Elles vont de la parodie de Mariano (Paulette, la reine des paupiettes) ou de la toune canadienne à répétition (Derrière chez moi) à la contrefaçon du tube de l’été (Cet été, c’était toi) ou de la chanson exotique (La biguine au biniou), sans oublier cette merveille de la chanson paillarde qu’est Histoire merveilleuse. Bien évidemment, l’Apérobic sera de la fête, qui s’achèvera sur leur Merci Patron, brusquement revenu dans les oreilles par la grâce du pamphlet-documentaire du même nom.

Les amateurs des chansons des Charlots – c’est une secte assez secrète, dont l’auteur de ces lignes est par ailleurs membre actif – seront donc bien conseillés de passer leur chemin si d’aventure le groupe se produit près de chez eux. Qu’ils consacrent plutôt leur soirée à entonner entre eux Le grand cacatoès des Indes, véritable sésame vers le nirvana de la chanson drôle, connu des seuls initiés…

La page Wikipédia des Charlots, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là. Le site de Dalton Télégramme, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.