Avignon Off 2016. Boule, pointé, touché !
Off Avignon, Théâtre l’Arrache-Cœur, Boule, 15 juillet 2016,
Boule a un léger défaut de langue, des cheveux tirant sur le roux, le nez aquilin et une moustache qui s’accom- mode parfois d’une barbe. « N’oubliez pas, Boule c’est comme un cube, mais rond », dit-il pour se présenter en un journal mensuel vidéo complètement loufoque.
Véritable caméléon, partageant ses projets avec de nombreux autres artistes aussi fous et talentueux que lui, tels Nicolas Jules ou Clément Bertrand et bien d’autres qui ne se vexeront pas si je ne les cite pas, il peut se déguiser en Landru (autre spectacle joué en parallèle), en punk, en journaliste TV ou en dandy vêtu d’une veste de velours orange (c’est le cas pour le concert qui nous intéresse, mais rassurez-vous, il l’abandonnera en cours de route.) Pour autant, Boule fait son métier sérieusement, et avec talent.
Certes, il faut aimer le violon, la contrebasse et la chanson pour apprécier son concert. Ça ne devrait pas trop nous poser de problèmes. Et avoir le sens de l’humour, ça, ce n’est pas donné à tout le monde. En ce lendemain de l’attentat de Nice, Boule a décidé de nous offrir un hymne à la vie, qui est comme chacun sait faite de poésie, de papillons et de libellules, de poissons et de mer à boire, ou d’un Vélocipède interstellaire. Où l’on s’aperçoit que l’humour surréaliste de Cédrik Boule repose sur les mêmes angoisses que tout un chacun : vieillissement, maladie « Il me reste quatre molaires / Et la maladie d’Alzheimer » qui vient plomber (!) l’ambiance de rêve de la mélodie de cette chanson; phobies, mort…C’est juste qu’il sait y mettre des mots plus jolis que la plupart d’entre nous, nyctalope, agoraphobe, lycanthrope ou cataphile…
Quand Boule nous parle des « dernières mésanges charbonnières à nicher dans le cerisier », sa compagne préfère « bouffer des pizzas en tripotant [son] i phone à la con. » Est-ce celle qu’il a rencontrée dans cette histoire d’amour et d’eau savonneuse, « Machin a rencontré Machine un soir au Lavomatic »? Boule a l’art des chutes : «Depuis ce jour chez les Machins / On lave son linge en famille. »
Autre succès, cette Carte postale à ma cousine qui habite au bord de la Méditerranée reprise également par Sanseverino, donne une image réfrigérante de la Normandie : Nul besoin de s’épiler les gambettes ni de se tailler le minou pour aller à la mer, « y’a rien à faire il fait trop froid pour faire trempette. »
D’aventures épiques en mobylette, de ce Clou toujours présent sur sa chaise, sur son lit, au bureau, à sa table, dans le bus, qui lui fait serrer les dents, serrer les fesses, jusqu’au rappel en forme de dernière chanson posthume « choisie de mon vivant afin de me préserver de toute mauvaise surprise à posteriori » Boule construit un monde plutôt pessimiste sous la farce apparente, pourtant on en sort avec la pêche.
L’accompagnement tour à tour rock, world tendance tzigane, virtuose mais plein de fantaisie (le violon-trombone et le banjo à l’archet de Frédéric Jouhannet en gilet rayé, la contrebasse valsée et la scie musicale de l’expressif Christophe Foquereau, catogan et chemise blanche) participent de cette impression positive. La vie ? Mieux vaut en rire se dit-on !
S’il nous dit « avoir eu la chance d’avoir des enfants vivants », l’ambiance grand–guignol de Pensez à voir un psychologue et ses pseudos faits divers « A coup sûr il ne s’agit pas d’un suicide / un jour ce sera du vrai sang / méfiez vous de vos enfants / la violence est une drogue / penser à voir un psychologue » nous rappelle que le monde n’est pas simple et que les humains ne se classent pas forcément dans deux catégories, les bons et les méchants.
Vous vous attendiez à voir un clown ? Peut-être êtes vous tombés sur un philosophe. « Castigat ridendo mores » ( Elle corrige les mœurs en riant, NDLR) disait-on de la comédie au XVIIeme siècle.
Le site de Boule, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. Pour écouter ses albums, là.
Retrouvez Boule au Théâtre de l’Arrache-Cœur, salle Moustaki 13, rue du 58e RI Porte Limbert (11i7 sur le plan d’Avignon), à 15h jusqu’au 30 juillet, relâche le 25.
Commentaires récents