Blanzat 2016 : Dumoulin, Bobin et Batlik au banc d’essai
Quarante-cinq, cinquante minutes chacune, chacun. Les Rencontres Marc-Robine de Blanzat ont importé à leur usage les capsules (on dit aussi les vitrines au Québec, c’est bien mieux que les vilains show-cases) pour nous présenter des disques tout neuf ou à venir. On passe en revue…
On connait Armelle Dumoulin dans le sillage de Christian Paccoud, d’une chanson révolutionnaire chargée d’histoire et de sens. C’est dire si le public de ce jour (le même qui, le midi même, à fait goguette avec elle et Paccoud) pouvait être surpris. Il le fut. Et ne fut pas preneur. Si Armelle met le feu là où elle se produit, Blanzat fera singulière exception. C’est d’autant plus dommage qu’elle se produisait là presque comme régionale de l’étape, elle la native de Clermont-Ferrand, devant une partie de sa famille, de ses amis ; ça a pu la troubler, bien plus qu’on l’imagine. Son dernier album, T’avoir connu, sorti en février de cette année est à l’image de son projet chanson à elle, très éloigné de ce à quoi on l’associait. Plus proche d’un Bertrand Belin (avec qui elle chante en duo sur ce disque), elle est adepte d’une chanson-rock minimaliste (elle à la guitare électrique, Paul Jothy à la batterie) qui se réclame de la singularité et de l’urgence poétique : « Je t’attends en formation rocker / Mon petit chéri tu me reconnaîtras / A ce que je ne bougerai absolument pas / Sauf entre tes bras ». Ne pas s’arrêter sur cette prestation un peu ratée mais reprendre, se procurer le cas échéant, cet album qui se s’offre pas comme ça au tout venant, qui se creuse comme les mélodies et les saccades creusent leurs sillons. Et se mérite. La voix de Dumoulin n’est pas celle d’une diva, loin s’en faut. Presque banale, elle se confond, se fond à des textes où des sujets archi-rabâchés (amour, sexe et guerre) prennent par elle une autre, audacieuse et subtile dimension, nimbés d’une musique triste et joyeuse à la fois.
Le site d’Armelle Dumoulin, c’est ici.
Là où il se produit il y revient. Souvent. Et prend racines. Frédéric Bobin s’est créé un peu partout des familles de cœur. Lui le Lyonnais natif du Creusot, qui plus est premier détenteur du prix Marc-Robine, est chez-lui à Blanzat. De savoir qu’il y présentait en exclusivité, avec près d’un an d’avance sur la date de sortie, son nouvel album (le troisième dans sa discographie de cœur, le cinquième dans les faits), il y avait foule rien que pour lui. Rien de révolutionnaire dans ces nouvelles chansons, Bobin frères (Philippe écrit ; Frédéric compose, chante, fait chavirer les cœurs et signe les autographes), explorent la même veine mélancolique qui fait leur succès. Il est toujours question d’histoire (la leur : « Mon histoire défile / comme un drôle de film / Je prends la fuite / En Super 8 »), d’héritage, de transmission. Des portraits de losers aussi, faune que visite Jimmy, patrouille de nuit. Jadis Renaud se questionnait si on pouvait poser de la musique sur la peau d’un flic (La ballade de Willy Brouillard) : Bobin fait de même, faudra l’arrêter avant qu’il n’embrasse à son tour. Toujours cette humilité qui transpire de ses chansons : « Je sais que les sunlight ne brûleront jamais ma peau / Quand d’autres plongent en mer, moi je préfère les ruisseaux / Je suis celui qui murmure / Celui qui rase les murs / Qui marche dans les décombres / Je resterai dans l’ombre ». Il y a l’amour et le mystère (celui des roses sous les robes…), les combats d’une vie à l’issue incertaine : « Le soir tombe / Et je n’ai pas changé le monde / J’ai laissé passer les cigognes / Distrait par de vagues besognes »… Que de futurs classiques en cet album pas encore enregistré et déjà attendu. Un jour peut-être s’apercevra-t-on que les Bobin’s construisent une œuvre aussi importante, aussi fondamentale que celle de Souchon. Dites-le au dieu Varrod, celui qui préside en ce bas-monde à la vie et à la mort de la chanson.
Le site de Frédéric Bobin, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Lors de sa dernière venue à Blanzat, Batlik était avec sa femme, son chien et son batteur. Selon lui, Blanzat n’aime pas les batteurs, qu’elle fait disparaître. La preuve, dans le jardin de Monique, chez qui il est hébergé, au fond d’un caveau, ils y sont tous inhumés. Il est donc venu sans. Sans chien ni femme non plus. Il regrette son chien et s’ennuie sans sa femme. C’est ce qu’il n’aime pas dans son métier : tout le temps quitter la femme qu’il aime. Batlik est un grand amoureux et un être très doux, touchant. Son rond de scène est délimité par une guirlande de lumières, par ses retours, bidules électroniques et sa collection de guitares devant laquelle, au moment du choix (à savoir entre chaque chanson) il est comme une femme (la sienne, sans doute, ou peut-être Monique…) devant sa penderie (ça se nomme l’art des choix). Avec de tels défauts, une telle simplicité, une telle gentillesse il pourrait chanter ensuite n’importe quoi qu’on l’aimerait. Par bonheur il chante en plus des choses superbes, qui plus est avec talent, même si on peut le perdre dans le méandre de ses textes drus, légèrement scandés (moins qu’avant), plein de précisions, de descriptions inclus même le superflu qui chez lui a toute son importance, avec cette voix si douce et si chantante. Vous dire l’évident succès de Batlik ici est faire dans la redondance, le pléonasme. Un type qui ne vendra sa maison qu’à celui qui ne coupera pas ses fleurs est un type bien. Batlik l’est.
Le site de Batlik, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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