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Avignon Off 2016. Chansons habitées

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(photo Hugiloki)

« Parité mon Q, l’élégance vocale », spectacle musical – L’Arrache-Cœur,

 

En pré en bulle, il est hors de question que ma vision de ce spectacle fasse dans la dentelle. En effet(s), les sept troubadours -qui le brodent et le reprisent (loin d’être des « trous balourds »)- le cisèlent à ravir.

En ce dimanche soir du 17 juillet 2016, venir à l’Arrache-Cœur tendre l’oreille et se rincer l’œil avec des chansons de Q m’apparaissait être une meilleure idée que le con-traire. Et, sur ce coup-là, je dois bien reconnaître que je ne fus pas décu (oups… déçu). En effet, d’emblée, le principe est posé sans aucune retenue : les textes des chansons au programme vont crûment et carrément évoquer « la chose ». Et le public (très varié ce soir-là) va effectivement en prendre plein le… « qu’en dira-t-on ».

Parce que, en fait, en tant que spectateur, la vraie question qui se pose ici est celle de sa propre réaction à l’écoute des textes. Doit-on prendre la chose au premier degré, ou bien garder la distance convenable pour ne pas passer pour le tonton beauf un peu bourré qui squatte tous les mariages de l’univers et de ses environs ? That is the question ! En fait, cher lecteur (mais aussi, cela bas de soie, très chère lectrice), j’aimerais beaucoup que l’on évacuât d’emblée ce point ô combien délicat : ayant été élevé dans une société qui -chez petits et grands « mâââles »- valorise ce que d’aucuns nomment « grivoiserie » (ça fait mignon) et d’autres « gauloiserie » (ça fait fierté nationale), sachez que, pour ma part, la domination sexiste (ça fait réaliste) me débecte. Voilà, ça… c’est dit.

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(photo Yves Labbé)

Donc, pour ma part, je me suis volontiers (et sans arrière-pensée aucune) laissé très vite emporter au large de cette préoccupation-là : en effet, la qualité des voix, la finesse des arrangements a capella et l’humour qui se dégage de cette proposition-là entraîne irrémédiablement le public ailleurs. Alors, bien sûr, on ne peut, par fulgurances, s’empêcher de rosir de honte et d’avoir un petit rire gêné, mais ces pudeurs de jeune fille (ah… oui… dans mon oreillette, ma part féminine me glisse offusquée qu’il s’agit d’une réflexion sexiste => OK, je la retire)… mais, où en étais-je donc ? Ah oui, j’écrivais que, par moments fugaces, le texte peut venir démanger les vestiges de notre pudicité résiduelle, nous mettant ainsi à l’épreuve. Mais, il faut bien reconnaître que ces rares inclinations pudibondes sont balayées aussi vite qu’elles n’étaient apparues, tant par le rire franc et massif d’un public qui semble conquis, que par la qualité du divertissement proposé. Je ne tomberai donc pas ici dans le piège attirant de la citation. Parce que extraire des bouts de texte salaces pour les livrer en salade au lecteur sagace, ça lasse et ça agace. Et parce que la somme de travail accompli pour parvenir à un tel résultat mérite beaucoup plus de considération (pour l’esprit qui y règne) que pour le mot (au pied de la lettre)

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(photo Yves Labbé)

Parce que là, il faut bien reconnaître que, du boulot, il y en a ! Je suis (trop mal) payé pour savoir ce que la polyphonie réclame en temps de répétition pour obtenir « le son » recherché. Mais, quand on dispose de 7 lascars comme ceux-là, il doit être difficile de rater son coup en la matière. En effet, Olivier Andrys, Geoffrey Bailleul, Brice Baillon, Louis Lefebvre, Joël Legagneur, Pierre Marescaux et Benjamin Riez (Martin Le Ray  est le huitième de ces sept « samou raillent«  qui jouent en alternance) méritent tous d’être cités pour les diverses qualités dont il font montre durant ce spectacle « touffe étouffe l’âme ». Alors, bien sûr, certains (que ce soit pour des raisons physiques ou de présence scénique) sont plus visibles que d’autres, mais là n’est pas la question, car il s’agit d’un vrai groupe vocal, avec un putain de son. Mais, même quand on dispose d’aussi bons chanteurs, il faut savoir quoi leur mettre en bouche : chacun sait que, en cuisine, même avec de bons produits, on peut rater un repas. Mais, là, celui-ci est digne d’un gastro car les arrangements sont au petit poil. Signés Martin Le Ray (l’absent de l’étape) et Brice Baillon pour la plupart d’entre-eux, ils sont d’une finesse et d’une intelligence rares. Ces chefs accomplis font feu de tout bois et jeu de toute voix pour nous élaborer une cuisine raffinée, roborative et joyeuse. Et nos papilles n’opposent aucune résistance à leurs propositions à la fois référencées et iconoclastes. Oui, de bout en bout, dès lors que l’on détecte un air connu ou un « truc qui sonne comme… », leurs arrangements nous délectent. C’est ainsi qu’ils parviennent à nous enchanter avec un pot-pourri de chansons d’Édith Piaf, très intelligemment construit et se mélangeant avec bonheur avec un gimmick récurrent et réjouissif. Et, selon les différentes versions proposées, celui-ci sonnera à nos ouïes ravies à la manière de « je ne vous dis pas qui » car ce serait déflorer de bien belles idées superbement réalisées.

Et puis, outre la performance vocale de nos « sept cons-fanions de la chanson de Q », il y a leur présence scénique. Qui doit manifestement beaucoup à la mise en scène de Charlotte Gaccio. Je ne voudrais pas revenir sur les géniteurs de celle-ci, mais je commettrais une faute professionnelle en omettant de signaler qu’elle est la petite-fille du Professeur Choron. Et les chiens de chasse ne faisant manifestement pas des chattes qui minaudent, la jeune femme a su trouver en chacun de ces trouvères ce qui pourrait le singulariser des autres. C’est ainsi que chaque chanteur parvient à exister par lui-même au milieu de cette troupe d’atomiques-croupiers. Et la metteuse en scène entraîne tout son petit monde dans un rythme effréné où s’enchaînent sans chaînes une liberté de ton à l’aune de l’irrévérence des mots. Postures et déplacements sont, eux aussi, le fruit d’une mécanique de précision bien huilée qui participe de la qualité d’un spectacle unique (ta mère) en son genre.

Mais, l’intelligence de la proposition réside également dans le fait de ne pas s’être arrêté aux poncifs du genre en matière de répertoire : en introduisant dans le programme des chansons où la bite (qui ne fait pas l’aumône) est avantageusement remplacée par le clitoris et le vagin (il faut bien appeler un chat un chat), nos sept chauds lapins passent par le chas d’une aiguille, pour qu’une certaine forme de parité soit respectée. Et, de filles en anguilles, préférant pécher dans le désir plutôt que prêcher dans le désert, ils (se) mouillent pour nous proposer un show latin dont nous finissons par jouir sans entraves. Car ils nous ont bien fait con-prendre que, par la grâce de leur élégance vocale, la chanson de Q pouvait sexe-primer. Pour acquérir ses lettres de noblesse.

 

L’Arrache-Cœur, 13 rue du 56ème R.I. Porte Limbert (pastille 13). Tous les jours à 22H30 jusqu’au 30 juillet inclus. Réservations au 04 86 81 76 97

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Une réponse à Avignon Off 2016. Chansons habitées

  1. Catherine Laugier 18 juillet 2016 à 17 h 50 min

    En visualisant un précédent concert j’ai réalisé ce que je manquais en quittant Avignon à 22h30 : https://www.youtube.com/watch?v=FbgVKekKDWM

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