Blanzat 2016 : Nicolas Bacchus en restera dans les annales
Avant chaque soirée de ces Rencontres Marc-Robine, une émission de radio (Radio Arverne, 100.2 sur la bande FM) se déroule en direct et en public depuis une des salles de la Muscade, occasion s’il en est pour Alain Vannaire, grand connaisseur es-chanson et programmateur de ces Rencontres, d’y accueillir les artistes et autres invités du jour. A l’érudition de Vannaire s’opposent l’humour et les jeux de mots de Michel Comte, ancien animateur de Radio-Bleu, qui aime à revisiter les coulisses de ce festival. Mais si généralement ce Comte est bon, il est vain quand l’invité n’est autre que Nicolas Bacchus, d’une sympathie et d’une intelligence qui n’ont d’égal que son humour saillant, provocateur. Et son talent. L’émission fut entre toutes collector : le meilleur des émissions de Ruquier ne saurait l’égaler.
Sur scène, Bacchus est moins probant. A suivre à la lettre la trame de son actuel spectacle (le suivant c’est pour la rentrée), il semble en oublier ce qui est la pépite de son art : la spontanéité. ça ne fait plus qu’enchainement hétéroclite de titres : des bons (des très bons mêmes) et d’autres qui le sont moins. J’insiste : ce qui est bon chez lui est ravageur. Comme sa collègue Évelyne Gallet, Nicolas Bacchus perpétue l’art et les rimes de Patrick Font, celui de l’ex-duo Font et Val, dont l’autre a si mal tourné (pensez, finir flingueur d’humoristes et d’émissions de chansons à France-Inter, c’est pas une vie…). Et bien sûr reprend, à plusieurs titres, des chansons de son ainé. Comme cette parodie du Métèque qui nous renvoie à l’Identité nationale chère à Besson et Sarkozy, à Valls aussi sans doute qui aime tant rouler à droite. Comme cette autre qui, pour Bacchus, est comme adn, carte d’identité et aimable invitation : Soyez pédés. « En tant que philosophe, je prétends que l’amour / Est une bien belle chose et j’ajoute que pour / Endiguer les flots des culs refoulés / Il n’est qu’un remède : soyez pédés ! »
Bacchus est ostensiblement pédé : il le chante avec une joie qui, sans être contagieuse, n’en est pas moins communicative. « Du cul de la bouteille au cul de la beauté », il va du fond au fondement, sans omettre les fondamentaux de son art. Qui ont pour nom Font sus-cité, Wally, Manu Galure, Bernard Dimey, Leprest-Cadé-Vintrigner-Jehan et même, le croirez-vous, Les Charlots. Eux pour un irrésistible Aaaaah viens, qu’ils avaient jadis partagé avec une toute jeune et innocente Nicole Croisille. Vladimir Visotsky aussi, en cette impressionnante La fin du bal, impressionnante tant par le texte que par l’interprétation de Bacchus : « J’voudrais savoir pourquoi, pourquoi / Elle vient tôt la fin du bal / C’est les oiseaux, jamais les balles / Qu’on arrête en plein vol ». Rien que pour ça, Bacchus mérite nos louanges et nos mercis. Mercis aussi pour Hélène Billard, sa violoncelliste sobre, discrète, terriblement efficace, dont l’art subtil donne aux rudimentaire des mots leur assise poétique et leur virtuosité.
Cul et politique, tel est le dosage, le répertoire de Nicolas Bacchus, ce Toulousain devenu Lyonnais. Qui définitivement aime à reprendre, voire à détourner ses collègues pas forcément de chambrée. Ainsi Régine (et Gainsbourg) dont Les p’tits papiers deviennent d’une brûlante actualité : Laissez passer les sans papiers. Exemplaire ! Mais est aussi, quant il le veut, un fin auteur, qui vous mitonne chansons et recettes aux petits oignons : sa recette du Filet Mignon tient non du Bocuse mais du beau cul. Pour peu, on s’inviterait à la table commune.
Le site de Nicolas Bacchus, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Comment ne pas être d’accord avec ce compte-rendu ! Et il est vrai que le « filet mignon » est une chanson magnifiquement bien écrite (oserait-on dire que, pour un peu, on en mangerait ?).
Seul truc : le « Ah viens » des Charlots date de 1985. Pas sûr – sans vouloir paraître butor pour autant – que Nicole Croisille pouvait encore être qualifiée de « toute jeune et innocente » à cette époque…