Pourchères 2016 : Solleville-Sylvestre, la chanson à son sommet
Elles sont toutes deux un pan énorme de la chanson française, de sa mémoire, de ses luttes. Les révisionnistes les oublient déjà dans leurs anthologies bien formatées d’où rien ne doit dépasser. Vous pensez, deux grandes gueules, des féministes ! Deux indomptées au caractère en fer forgé, des amazones qui décochent leurs flèches et visent toujours bien, en plein cœur.
Que Nathalie Miravette et Bernard Joyet ne m’en veuillent pas (ils ont dû déclarer forfait) mais à quelque chose malheur est bon, qui a vu Anne Sylvestre et Francesca Solleville faire co-plateau au pied levé. Bon pied. Bon œil. Non forcément un grand concert, mais tout de même un moment d’anthologie, une de ces scènes qui ne peuvent exister qu’ici, à Pourchères : le micro-climat d’amitié s’y prête particulièrement. Sylvestre et Solleville ensemble, moment culte, concert collector ! Je vous jure que, par elles, on sait ce que chanson veut dire.
Elles font songer à Vanina, celle que chantera dans la soirée Véronique Pestel. Non qu’elles s’en aillent (elles sont là, solides, elles y restent !), mais elles sont deux personnifications de la lutte des femmes, et leurs engagements jamais pris à défaut. Elles en sont l’exemple, la toute beauté.
Deux femmes, trois avec Fortin. Car cette autre Nathalie est aussi spectacle à elle seule. Douée, complice, drôle dans ce rôle de pure improvisation, cette quasi répétition publique qui, contre vent et marée (le vent, c’est sûr), malgré les partitions qui s’envolent, s’accomplit.
C’était la première journée de vacances de Solleville. Raté. La voici au turbin qui pour nous turbine. Ses trous de mémoire percent le ciel lourd de nuages et amènent deux trois rayons de soleil. Les éclats de rire font tonnerre, les coqs d’à côté parachèvent le tableau. Et elle de nous raconter ses souvenirs de quand, toute jeune, elle gardait des vaches… Entre elle et Fortin, c’est presque numéro du duettistes sur le pouce, l’une Auguste, l’autre clown blanc. Émouvant, désopilant, nous passons par toute la gamme des émotions. Oh, la voix s’éraille, déraille souvent, oui. Fait parfois sortie de route. Mais même avec quelques fausses notes, c’est celle, belle et rebelle, indomptée, de la Solleville. L’interprète qu’elle est nous sert Aragon, Ferrat, Bühler… Chante maman sur son lit de mort (Sarment, de Leprest) et papa comme à son habitude (« Comment qui va rentrer papa ? / Sera-t’il saoul, sera-t’il pas ? ») de François Morel. Bouleversant…
Voici Sylvestre en une sélection de chansons elles-aussi exemplaires : Les gens qui doutent, Xavier, Les dames de mon quartier, Carcasse, Richard, La louve, Les hormones Simone… Poésie, colère, indignation, dénonciation, humour… Quelques piques (notamment sur Ferré, « grand féministe devant l’éternel » qui a dit que « l’intelligence des femmes est dans leurs ovaires »), beaucoup de complicité. Elle renvoie les préjugés dans les cordes. Le propos est puissant, qui souvent fut visionnaire, toujours lucide. Nous aussi, souvent, cherchons un mur pour pleurer. Elle le chante. Émotion. Prestation dans tous ses états : on n’échappera pas à la pure folie : une chanson qui elle aussi déraille, une promenade faite d’embûches, grand moment de rire et d’improvisation. Ce concert, je vous le dis, avait tout d’unique. Il fallait y être, comment est-ce possible que vous n’y étiez pas ?
Ce que NosEnchanteurs à déjà dit de Francesca Solleville, c’est ici ; ce que nous avons déjà dit d’Anne Sylvestre, c’est là.
Injuste de se faire attaquer comme ça, quand on ne pouvait pas y être !
Mais dommage…
C’est le concert d’Anne le plus fou, le plus drôle, le plus émouvant que j’aie vus, et en plus, dans un décor magnifique… avec Francesca et Nathalie déchaînées. A lui seul il valait le déplacement de ma lointaine Belgique
du grand Michel Kemper aussi, le « sujet » l’a sublimé !
J’ai vu jadis Francesca Solleville à la fête de l’Huma, il y a des lustres ! Quant à Anne Sylvestre, elle avait de la famille en Saône et Loire vers Montchanin. Deux grandes dames, respect !