Grandsire : leur petite fabrique de chanson
« Je veux chanter comme Aragon / Car je suis l’avenir de l’homme / Je suis la femme qui dit non / Ma tête c’est mon métronome… » Une fois l’an, elle nous livre son millésime « Piano voix » de l’année écoulée. Quoique l’an passé elle nous avait laissé entendre qu’il n’y aurait sans doute pas de nouvel album en 2016. Eh bien si ! Mieux même : voici son Piano voix 2016 et, surprise, le « livret » des cinq albums, paroles parues sous la forme d’un livre, La petite fabrique de chansons (paroles 2011 à 2015).
Elle, c’est Hélène Grandsire, que nos lecteurs sinon connaissent, au moins ont entendu parlé ici-même. Quant au livre, il est signé de son époux, Jimmy Grandsire : c’est lui qui, dans la petite entreprise culturelle familiale, a la tâche d’écrire les textes que sa femme chante. De bien jolis textes, qu’il soit dit en passant. Jimmy écrit en lieu et place d’Hélène. Pour copie conforme, se logeant dans sa tête, consignant ses pensées, ses émotions, ses questionnements. Allant jusqu’à écrire les propos qu’elle lui adresse… Drôle d’écriture, drôle de couple. Osmose, amour, jusqu’à ne plus faire qu’un. Qu’une.
La production 2015, ce sont onze titres faits maison. Et trois autres, empruntés à l’univers de Léo Ferré qui les a mis en musique : l’un de Paul Verlaine, les autres d’Arthur Rimbaud et de Louis Aragon.
A deux, Hélène et Jimmy font rempart contre la folie de ce monde (écoutez leur Ding dingue dong : « On n’a pas refait le printemps / Ce mois de mai où l’on s’aimait / On n’a pas changé l’air du temps »). Leurs chansons sont un peu comme ces sacs de sable qui tentent de faire digue. Là contre les eaux qui montent, eux contre la folie qui submerge la marche du monde, contre les catastrophes annoncées, assurées : « Chanter aussi pour les baleines / Qui pleurent dans les océans / Savez-vous que la mer est pleine / Des alarmes de tous ces géants ». Car le chant de la famille Grandsire, s’il célèbre aussi l’amour, s’il en est même comptable (Je t’aime), est loin d’être indifférent. Leur colère, même si elle n’a que peu d’écho, se surajoute à celle d’autres et vient gonfler des rivières d’indignation : « Sur le toit de l’usine / Où l’on fait les canons / Que des mains clandestines / Vendent en notre nom / Neigera-t-il encore ? »
En un piano-voix annuel, Grandsire nous fait moisson d’amour et d’empathie, de colères et de dérisoires réponses qui n’en sont pas moins des réponses. On aime ce rendez-vous de beauté et d’honnêteté. Que bien sûr on vous recommande. Livre et disques sont sur son site.
Hélène Grandsire, Piano voix 2015, autoproduit 2016 ; Jimmy Grandsire, La petite fabrique de chansons, autoédité 2016. Le site d’Hélène Grandsire, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs déjà dit d’elle, c’est là.
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