Les grandes mothers et Armelle Ita trio : la vie en jaune safran
21 mai, co-plateau au Petit Duc, Aix en Provence,
Invitées surprises de cette soirée Armelle Ita, Les Grandes Mothers n’ont rien d’aïeules caduques (Il est bon de savoir que la contrebasse est affectueusement baptisée du nom de grand-mère par ses utilisateurs). Elles ne nous sont qu’à demi inconnues, puisque leur original duo de contrebassistes chanteuses est constitué à ma gauche de la brune Sara Giometti, et à ma droite de la flamboyante Gabrielle Gonin, déjà écoutée au sein du talentueux groupe de chanson du monde Joulik. Une chanson d’amour napolitaine nous rappellera d’ailleurs cette parenté.
Nous sommes donc dans ce pays de connaissance, la Provence, qui a puisé l’air qu’il respire et qu’il expire si joliment en des contrées ou cultures musicales lointaines. Leur univers combine leurs deux voix expressives alternées ou en duos, et les sons des cordes de leurs majestueux instruments tour à tour pincées, claquées, caressées ou frottées, parfois complétées des percussions de leurs caisses ou de celle d’un tom couché, ou d’un grelot. Les deux dames de noir et de velours vêtues (d’originales combinaisons pantalons « à traîne ») présentent d’envoûtantes compositions de l’une comme de l’autre, entre le rock (avec une reprise très personnelle de Victory de PJ Harvey ) et le blues, usant au mieux des capacités rythmiques et de l’ample son de leurs instruments, avec une dimension baroque très plaisante.
La blonde Armelle Ita cache sous sa juvénile apparence une voix de chanteuse de jazz dont elle use comme d’un instrument à part entière, agrémentée de jeux vocaux, beat et scat, aidée des chœurs de ses deux musiciens. Elle utilise aussi une clarinette basse, et un sampler qui lui permet de créer en direct des boucles musicales qui se mêlent aux instruments avec une étourdissante créativité sonore.
Nicolas Paradis, grand blond ébouriffé, collier de barbe, joue de cet instrument africain, la Kora, calebasse bandée de vingt et une cordes (bonjour les séances d’accordage dans la salle surchauffée) dont le son combine celui de l’oud et de la harpe. Il l’a, nous dit Armelle, fabriquée lui-même.
On le retrouve alternativement aux percussions, tablettes de bois, cymbales, triangle, tom et calebasse jouée au poing.
Mélody Debono, pétulante brunette, joue avec beaucoup de dynamisme d’un piano à quatre-vingt neuf touches doublé d’un plus petit clavier.
Avec une fraîcheur et une rare énergie le trio crée un univers musical métissé de l’Afrique à l’Amérique en passant par le vieux continent. Tradition et modernité, rythmes et mélodies, voix et instruments des plus acoustiques aux plus électroniques se rejoignent sans aucun effort apparent.
Les textes poétiques et gais cachent sous les jeux de sonorités de vraies interrogations sur le sens de la vie toujours suivies de prises en mains positives « La vie est une garce qui joue avec mes nerfs / Mais j’ai dans ma besace de quoi lui faire la guerre », « Je garde en moi comme un trésor mes souvenirs comme des bijoux dans leur écrin », ou encore « laisse la libre de voler, de danser, laisse la rire sur la vie sur la mort.»
Certaines vont jusqu’à la révolte engagée telle Nous partîmes 500, sur un texte de Quentin Ripoll.
Tandis que d’autres donnent la préférence aux jeux vocaux, ou renouent avec des thèmes capverdiens. Armelle nous donnera d’ailleurs une très belle reprise du Sodade de Cesaria Evora.
En rappel le Kora Song et cette chanson qui traduit à elle-seule l’effet que nous produit Armelle Ita : « Elle veut tout repeindre en couleurs, toutes les douleurs et toutes les rancœurs, vivre la vie en jaune safran »
Le site des Grandes mothers, c’est ici ; celui d’Armelle Ita, c’est là.
Armelle Ita, l’Impatience : https://www.youtube.com/watch?v=yZuQeaKs1d8