Pascal Bouaziz : le bonheur en less
Toujours moins ! Telle semble être la ligne directrice de l’album chroniqué dans ces lignes. Normal quand l’œuvre en question s’intitule Haïkus, du nom de ces poèmes japonais qui érigent la concision et l’épure en but ultime. Plus étonnant quand on découvre que son auteur est Pascal Bouaziz, tête pensante du groupe de rock arty Mendelson, dont le dernier triple album viscéral comportait, entre autres, une chanson de 54 minutes ! Bonjour le contraste…
Enregistré dans les conditions du direct, sans multiplication des pistes ou bidouillage en studio, avec le minimum d’instruments (guitares, percussion et piano discret, c’est bien assez comme ça !), tout vise à la simplicité musicale et à la sobriété. Une parenthèse enchantée dans le monde déraisonnable qu’est devenu le nôtre, un espace de détente et de calme au sein de l’océan déchaîné. Tel un manifeste, l’album ne s’ouvre pas par hasard sur cette constatation « De toutes ces voix ne m’arrive que du bruit », tandis que claqueront plus tard, en réponse au vain tourbillon des réseaux sociaux, ces simples mots « Cessez d’écrire s’il vous plaît, je ne suis pas curieux de vous connaître ».
Allant de pair avec cette épure musicale parfaitement maîtrisée, les textes de Pascal Bouaziz, tout en retenue et laconisme, vont droit au but, sans fioritures inutiles, touchant directement à l’os de l’urgence et de l’émotion nue. En quelques vers décharnés, tout est dit : les craintes de l’avenir (« Avec la peur ancienne / Avec la peur nouvelle / Reste dans la lumière »), les difficultés de couple (« On a dansé ensemble / On a dansé ensemble trop longtemps / Ta main je m’en souviens dans mon dos / D’autres corps nous réchaufferont peut-être »), l’espoir relatif (« Parfois je me laisse aller avec toi / Je baisse la garde / Tu me ferais presque croire en l’être humain »), le désenchantement sarcastique (« Tu me serres la main mais préférerais me mettre ton pied dans la gueule / Je te serre la main mais préférerais la découper au Laguiole / Ô miracle de la vie civilisée »)… Pas un poil de gras, que de l’essentiel, de la précision, du dépouillement. De la beauté.
Passer à côté de ce disque magistral, c’est se priver d’une accalmie salutaire, d’un éclat de lumière, d’un souffle fragile de bonheur. Ce serait également manquer une œuvre vers laquelle on aura plaisir – ou besoin – de retourner dans les périodes plus ardues. Y en-a-t-il tant que cela ?
Est-il encore besoin d’en rajouter davantage ? À quoi bon en effet verser dans la logorrhée dithyrambique pour parler d’une œuvre aussi resserrée ? Laissons plutôt le mot de la fin à l’artiste : « Les choses les plus belles qu’on dit, on les dit en chuchotant ».
Pascal Bouaziz, Haïkus, Ici, d’ailleurs… 2016. Le site de Pascal Bouaziz, c’est ici. Pas de vidéo correspondant à ce présent opus, mais cette chanson qui y figure, « Ta main » déjà présente au répertoire de son groupe, Mendelson :
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