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Karpatt, festif mais pas que

karpatt-angoraIls pourraient même se permettre de ne pas mettre leur nom sur la pochette. Toujours ce personnage à la tête de cerneau de noix, pas un poil sur le caillou, une large rangée de dents à la manière d’un clavier. Toujours des couleurs qui pétillent à la surface du dessin. Toujours Sébastien Thomazo au crayon. Et Frédéric Rollat, Gaétan Lebat et Hervé Jegousso dans le dedans du disque. C’est Karpatt et c’est leur nouvel album, le septième (live de 2010 inclus) pour désormais vingt-deux ans d’activité. Ça compte.

Comme il y a sept ans à et avec Montreuil, nos trois amis ne se sont pas bien foulés pour trouver le titre de l’album : Angora, c’est le lieu parisien où ces chansons sont nées, c’est aussi simple que cela. Pas toutes les chansons d’ailleurs : l’une, Un jeu, est la reprise remixée d’un titre de leur précédent album, une chanson terrible qui, comme Nino Moretti l’avait fait des camps nazis, fait un jeu de l’expulsion des roms. Une chanson non pour s’amuser comme on le lit imprudemment sur le prière d’insérer, simplement pour souligner qu’on reconduit les expulsés pareillement à la frontières, dans les mêmes conditions, que sous Sarkozy.

Or le Salvador qui ouvre le disque, né d’une récente tournée en ce pays, le titre le plus saisissant ici est sans doute Encombrant , où la misère s’immisce, pas celle d’un pays lointain mais bien celle sous nos yeux : « Y’a une benne dans la rue où s’empilent les produits aux dates dépassées / Pour les gens qui ne peuvent plus ni acheter la viande ni faire le café / Y’a une file dans la rue de ces gens qui attendent de pouvoir se servir / Comme on passe ils baissent les yeux. »

Car on aura beau ranger Karpatt sur l’étagère des groupes festifs, ce trio ne pourra se défaire d’un contenu social et politique. Tant qu’on va parfois chercher derrière les mots, au détour d’un vers, une lecture qui n’est pas forcément la bonne : « mais surtout ne pas répondre aux avances de la blonde / on sent que tout peut basculer en une seconde ». On a parfois tort : les sujets sont divers. Le nouvel enfant qui arrive à la maison « Ne t’inquiète pas ma fille il reste de la place dans la cour (…) L’amour qu’on a pour toi on va pas le couper en deux », les amours estivaux « Les amours d’été meurent comme la rose / Comme le mensonge comme la rosée / Les amours d’été déterrent les songes / Les premiers parjures des enfants pressé », la fatigue traitée comme une mort « ruiné comme la Grèce malgré les plans du FMI » ou encore cette fable, Écarteleur, famille de bourreaux de père en fils… Que de belles constructions de mots et de sons.

C’est à nouveau, et plus encore, un disque magnifique, lumineux, ludique. Le lecture ne se fait pas, loin s’en faut, que par les textes. Toutes portées, toutes sonorités participent à l’adn de ce groupe qui taille le route. De notes roms à des envolées arabisantes (magnifique J’suis mort), Karpatt voyage sans visas, avec vision panoramique.

Loin en tout cas de cette chanson à la Moulinette, « vulgaire pâtée pour chien sans aucun goût » qui dégouline du téléviseur, « brusque remontée intestine, bleu blanc rouge, bise marine », « pour grandir et devenir bête et méchant ».

« 20 ans qu’on s’trimbale avec la même envie de faire tourner les têtes / De faire danser, de partager la liberté de faire la fête… » Karpatt fait le point de deux décennies d’intense activité, toujours « avec la même énergie, la connivence ». Pas de nostalgie, pas d’œil dans le rétro : une simple chanson comme on marque d’une pierre un événement.

 

Karpatt, Angora, At(h)ome/Wagram 2016. Le site de Karpatt, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est làImage de prévisualisation YouTube

2 Réponses à Karpatt, festif mais pas que

  1. Willy Moreno 25 mai 2016 à 20 h 51 min

    Bravo les gars

    Répondre
  2. Rétrolien Angora par Karpatt – BCUL Le Blog

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