Les Escrocs en flagrant délit de récidive
Le métier manque d’humour. L’une des plus grandes escroqueries du showbizness, les Victoires de la musique, n’a jamais honoré en son sein ses héros : Les Escrocs, réincar-damnation des Croquignol, Filochard et Ribouldingue, nos Pieds Nickelés de papier. Par bonheur, et sans doute pour accomplir un destin contrarié par des tas de concurrents (politiques, banquiers, garagistes, médef, cancérologues… la liste est longue), nos Escrocs se reforment après dix ans d’absence. Pour d’autres escroqueries il va sans dire. Avec dans leurs bagages, venus tant de Genève que du Panama, un disque tout beau tout… En fait, pas neuf du tout même s’il vient tout juste de sortir, mais fait de trucs ramassés par ci par là : des singles, des bouts de live. Et des inédits. Largement de quoi ranimer la flamme du chanteur inconnu.
Avec pour première plage celle d’Assedic, leur tube mode [pôle] d’emploi, leur profession de foi : glandeurs au frais de l’État. Vingt-deux ans après, cette chanson reste d’actualité, celle-là et d’autres encore. Car, sous leurs faux airs – mais vraies musiques, de la guinguette au rap – de rigolos, Les Escrocs aiment asséner quelques bonnes vérités, saper le politiquement correct, planter et faire pousser la graine de je ne sais quelle anarchie. Reprendre du service au moment même où nos politiques ont foutu un tel merdier qu’on ne sait plus qui est qui, est en soi autant une forme d’humour raffinée qu’une absolue nécessité. Pour moins que ça, on parlerait d’abnégation, de don de soi.
J’ai comme l’impression qu’on ne les entendra pas plus, moins même, en radios-télés que précédemment. Car à Escrocs escrocs et demi : les prétendus programmateurs, fussent sur les antennes publiques, sont des incapables notoires adeptes de la censure totale. Pas plus coupables du reste, pas plus escrocs que ceux qui se font élire à gauche pour gouverner à droite. Pas plus que ces vendeurs de disques faussement agités qui aspirent à nous refourguer de l’électro-ménager.
C’est sous le manteau d’échanges internet et sur les places de la République tant qu’elles resteront debout la nuit qu’on pourra s’échanger ces chansons d’humour et d’impertinence, de révolution douce mais résolue. Pendant que c’est encore permis, ne nous en privons pas !
Que faisaient-ils d’ailleurs nos trois gaillards pendant que notre société se transformait en ce mutant informe que l’on sait ? Dr Morel voguait vers l’Amérique du Sud approfondir sa science infuse des percussions. Le professeur Koury prêtait ses talents à Bénabar, à Adamo et d’autres. Éric Toulis, lui, poursuivant sa voie en solo avec de bien jolis concerts et disques.
Ça doit être pour se faire pardonner une si longue absence en trio qu’ils nous offrent dans cet élégant disque fourre-tout quelques inédits, histoire de patienter quelques mois, le temps de nous servir une nouvel album, de reprendre la route et de colmater si c’est encore possible les dégâts que plus escrocs qu’eux ont infligé à notre société, à notre vivre-ensemble, à nos indécrottables désirs d’un monde meilleur.
Les Escrocs, Plages privées 1994-2004, Thumd productions 2016. Le site des Escrocs, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs à déjà dit d’Éric Toulis, c’est là.
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