Askehoug : la Passion selon ce Matthieu
La petite salle cosy de l’Auguste Théâtre accueillait ce soir là un public bigarré, fusion- nant, foisonnant, impatient de retrouver sur scène ce dandy dégingandé, cet escroc des mots, cet escogriffe des glyphes, ce danseur de cordes vocales, ce drôle d’oiseau futé à la plume affutée…
C’est que le bougre sait se faire rare et distiller avec parcimonie les vapeurs entêtantes de ses apparitions scéniques. On a tout dit et son contraire sur son physique à la Jean Rochefort, sur sa belle voix grave entre Arthur H. et Jean-Pierre Marielle, mais Askehoug est bien plus que la somme de ses contraires…
Nous suivons l’énergumène depuis un bon bout de temps, puisque il était connu de nos services bien avant qu’il n’ait arrêté le H. Entendons nous bien, hein ? La lettre « H », puisque son patronyme originel s’orthographiait « Aschehoug », ce qui valait de grands moments d’anthologie lorsque des journalistes béotiens, peu au fait de la phonétique, s’échinaient à vouloir prononcer son auguste patronyme mi-breton/mi-norvégien… Depuis, il a fait son chemin, ainsi qu’une véritable razzia au palmarès de nombreux tremplins et pas de moindres (Prix Moustaki, le Mans Cité Chansons, Pic d’Or ou Prix Charles-Cros…)
Un concert d’Askehoug, c’est un voyage dans des contrées bizarres, c’est une expérience sensorielle et sensuelle, c’est une immersion dans un bain bouillonnant de créativité musicale et de folie maitrisée, ne soyons pas à un oxymoron près… Mais de quels territoires inconnus peut bien venir cette voix chaude et posée, rassurante et oppressante à la fois ? Mystère et boules de rogomme…
Bête de scène, bête d’obscène à la décadence élégante, il se fait guitar-héro flamboyant en Don Quichotte du manche sur son titre emblématique « Je veux du style (sinon rien !) » ou nous fait toute une belle aventure d’une petite fille sur un poney, tissant une connivence amusée et distanciée avec un public médusé et ravi…
Au fil des litanies évanescentes, la communion avec les spectateurs est de l’ordre du viscéral, la section rythmique basse/batterie, prépondérante et sinusoïdale, est là pour lui permettre les plus folles envolées, véritable colonne vertébrale sonore à la litanie désincarnée corsetant tant bien que mal sa poésie déjantée et ô combien élégante… Comme dirait un certain chanteur suisse désormais montreuillois « J’ai bien aimé chanter pour toi / dans tes yeux ça rentrait tout droit »… Et c’est tout à fait ça.
Entre Zappa, Zavatta et Zapata, Askehoug promène avec nonchalance sa belle étrangeté façon Lautréamont, son groove fantasque et imparable, sa présence charismatique sur les planches ou derrière son clavier, homme oiseau-orchestre capable de transformer une salle de spectacle en une volière hystérique…
L’espace d’un concert hors-normes et hors du temps, c’est sur une scène proprement transfigurée que prennent corps et âmes ses étranges idées. Citoyen du monde de l’imaginaire débridé, Askehoug chante aux étoiles ses scories coruscantes, espérant tôt en un langage uni vers elles, et celles-ci, désastres flamboyants, ne s’en remettent décidément pas…
Un nouvel album, nouvel ovni à n’en pas douter, est en préparation, nous aurons l’occasion de vous en reparler. Mais demain est un autre jour…
Le site d’Askehoug, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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