Alain Schneider, aux antipodes vraiment ?
Bien malin celui qui saura vous dire, sans tout à fait mentir, pour qui ce disque est destiné. Le gamin ou ses parents, les parents de ses parents ? Alain Schneider officie, on le sait, pour le jeune public. Et doit secréter lui-même l’élixir de la jeunesse, vu l’effet que ce disque fait sur les plus vieux que nous sommes. Onze titres (et dix versions instrumentales, c’est d’ailleurs ça qui doit trahir) dépareillés mais pas tant que ça. Schneider va chercher son inspiration Aux antipodes. Qui parfois ne sont pas loin. Pas la peine d’aller la chercher dans les plaines du far-west. Ainsi, à tout faire tout le temps (« Pas le temps de dire ouf, pas le temps pour elle / Pas le temps de souffler, remuer ciel et terre ») Maman est un guerrier apache, si si. Ni dans l’Amazonie, bien que, à voir ce serpent qui siffle sur nos têtes… Non, c’est le gamin qui lui aussi, y’a pas d’raison, fait sa mue, risque sa peau, se prépare à ses dépends à devenir aussi pire que les grands, armé pour la vie : « Je veux bien devenir grand / Mais pas être armé jusqu’aux dents / Aïe ces crochets qui me poussent / Berk ce venin dans la bouche / Cracher, mordre, étouffer / N’est pas fait pour me plaire. » Les grands singes sont au zoo, à qui on rend visite : mais qui cousine l’autre, entre eux et nous qui sont les animaux ? « Quand on pense que, dans notre famille / Ce sont eux qui ont bien réussi ! » Moins exotique, moins aux antipodes, encore que, cette vieille dame qui a perdu la boule, a des papillons dans l’moteur, voit le monde à l’envers… A poursuivre d’une plage l’autre, on se fera offrir des grigris, on verra chanter baleines à bosse et baleines bleues, « comme une prière de la mer à la terre, un appel à ses dieux », s’inquiétant qu’elles puissent un jour faire silence : « Et si elles venaient à se taire, que ferait la terre d’un océan silencieux ? », on sera invité dans un tipi, une datcha, une pagode, une yourte, un igloo, une raima… On ira même, autres antipodes dans le temps, à la rencontre des poilus, au plus profond de l’abîme humaine, pour simplement s’intéresser au mot « poilu », sans fard mais non sans beauté.
Et pis, et pis… nous célébrons Joséphine Baker qui danse, chante, lutte et ose pour un monde meilleur : une des plus belles plages du disque vraiment : c’est tellement beau qu’on se dit que ce ne peut être que pour des enfants, que les grands ont aussi droit à de telles chansons.
Alain Schneider n’est pas un inconnu : c’est même son sixième album (le précédent fut lauréat du prix du disque Charles-Cros, ce qui n’est pas rien…). Il fait partie de ces artistes qui prennent les petits pour des grands et savent que les grands ont gardé en eux un peu beaucoup des petits qu’ils furent. Schneider est coupable de cette éternelle innocence qui n’est d’ailleurs qu’apparente : dans ses chansons percent des vers citoyens et responsables, respectueux de l’humain, de l’animal, de l’environnement, de tout ce qui est et fait notre terre. Par ses métaphores et allitérations, il nous « propose, dans sa globalité, une vision non conformiste, décalée et poétique de notre époque, loin des images lisses habituelles. »
Sur ce superbe album, c’est presque grand orchestre sous la direction (et les arrangements et pas mal d’instruments à lui tout seul) de Christophe Devillers (on y retrouve même l’ami guitariste Thierry Garcia), qui sait s’adapter à toues les ambiances, tous les styles (swing, pop, folk, rock…), toutes les cordes de son arc (en ciel). On sera épatés aussi par la qualité de l’objet disque et de son livret, illustré par Claire Cantais. C’est tellement beau que ça a même mérité une version livre-CD paru aux éditions des Braques, c’est dire.
Alain Schneider, Aux antipodes, Victorie music/Harmonia mundi 2016. Le site d’Alain Schneider, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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