Infect ? Dégoûtant ? Exécrable ? Pas du tout : c’est Mauvais !
MAUVAIS est un groupe liégeois, nouveau sur les scènes du royaume belgicain, bien que ses membres flirtent visiblement plus avec la trentaine bien tassée qu’avec la prime jeunesse insouciante.
Que faut-il attendre d’un groupe qui se donne comme patronyme cet efficace adjectif ? Qui se présente comme suit : MAUVAIS parce qu’on a tous un mauvais côté, un mauvais genre, une mauvaise passe, une mauvaise idée, un mauvais fond… Parce qu’on est toujours le mauvais d’un autre. Les musiques lorgnent vers la mauvaise pop, le mauvais rock, la mauvaise soul, voire carrément la plus mauvaise variété. Quant aux paroles, d’aucuns y verront un mauvais Gainsbourg, un mauvais Thiéfaine, un mauvais Katerine, un mauvais Bertrand Belin ou un mauvais Daho, voire un mauvais Albin de la Simone, soit une certaine idée de la variété, disons… Et qui intitule son premier CD Pour toi je peux devenir Gérard Depardieu et l’illustre d’un magnifique dessin représentant l’acteur dans une robe de jeune fille sage (sans qu’il soit jamais question de lui dans les chansons qui composent l’œuvre, faut-il le préciser…) ?
Face à un tel déploiement de second degré typiquement belge, le premier réflexe, quand on pose la galette dans le lecteur, est de se dire qu’on va se payer une bonne tranche de chansons décalées ou parodiques, qui donnent la banane sans viser plus loin et permettent de passer un agréable moment. Et ma foi, ç’aurait déjà été pas mal.
Grande est donc la surprise de constater que l’ambition est autre. C’est bien à un album de chansons pop-rock que nous avons droit, rempli de chansons d’amour déçu (Vengeance, Tout nouveau), de rêves de jeunesse fracassés (le très Mickey 3D Trop vite et sans pitié), de désabusion chère à Nino Ferrer (Jeunes et jolies, Biarritz, Boîte noire)…
L’écriture est riche et les chansons bien construites, avec des clins d’œil par-ci par-là à Gainsbourg ou Jacques Duvall. Maîtrise et maturité se conjuguent tout au long de l’album et donnent dans le meilleur quand la fantaisie vient s’y greffer (Tu as préparé mes valises / Ne crois pas que ça me heurte / Tu as brûlé toutes les chemises / Je porterai des tee-shirts / Tu as voulu me faire la leçon / En me foutant à la porte / Tu as déchiré mes pantalons / Je porterai des shorts).
Musicalement, sans tomber dans le pastiche, l’album respire l’hommage à la chanson française/variété des années 70 et 80 : Boîte noire semble sortir du répertoire de Pierre Vassiliu période africaine, Vengeance aurait pu être chantée par Alain Chamfort… Le groupe ne pousse-t-il pas le vice jusqu’à nous proposer un slow (un vrai de vrai, même avec un gros pourcentage de parodie, qui fait encore cela ?) et une reprise – en français ! – de la scie estampillée 1982 de F-R David « Words » ?
Le chanteur et parolier assaisonne le tout d’une belle voix de crooner, marchant par moment ouvertement sur les plates-bandes de Daan (formidable rockeur flamand : vous ne connaissez pas ? vous devriez !), aidé dans sa tâche par trois choristes féminines très opportunément surnommées « les mauvaises ».
Un joli essai en définitive que ce premier album, qui devrait pouvoir trouver place dans les oreilles des amoureux de la chanson française, dont font visiblement partie les membres du groupe. Sans trace aucune de second degré goguenard à la Philippe Katerine, ni de passéisme aux couleurs dépassées. Manque peut-être juste d’un poil de personnalité plus affirmée, qui permettrait de s’affranchir des références frappant l’oreille de l’auditeur. Cela devrait venir avec le temps : quand on s’appelle « Mauvais », on ne doit s’attendre qu’au meilleur…
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