Roucaute, s’il était femme
25 mars 2016, Aix en Provence, Cave du Hublot.
Je viens d’y voir Gilles Roucaute dans son concert Cracheur de mots déjà présenté à l’Off d’Avignon et, l’an passé, à Barjac. Spectacle magique avec projection de photos et d’illustrations de sa tendre Liu Ya Guang, où il est tour à tour et simultanément diseur, chanteur, comédien (et guitariste). Voyageant dans nos vies TGV pour redonner du temps au temps. Habitant les mythes antiques pour mieux se couler dans notre actualité.
Je connaissais le Roucaute engagé (et à l’humour sombre) de J’ai voté Front National, que l’on retrouve ici dans Contrôle d’identité, La frontière (tellement d’actualité) ou le Petit conte d’après Noël, qui analyse les personnages de la crèche, notamment les rois mages, au faciès comme le ferait un de nos médias. Il s’y mêle une poésie tendre, pittoresque, picaresque.
Mais j’ai découvert aussi le versant féminin de ce colosse aux yeux verts et à la voix douce. Quel homme mieux que lui peut s’adresser aux femmes et aux enfants avec une telle justesse, une telle tendresse ? Déboulonner l’enfant roi tout en donnant quand même envie aux « deux damnés [qui] / s’usent dans l’extase et les transes / à le chérir et le choyer » de répondre à l’appel de bébé ? C’est que lui même rêve dans les deux sens du terme d’être resté enfant. L’un de ces rêves est une adaptation de My father’s house de Bruce Sprigsteen, qu’il chante par ailleurs. D’être un bébé rêvant du sein maternel et naturel, monde divin s’il n’est pas latexé.
C’est que ce Minotaure ne veut dévorer sa proie féminine que de baisers. C’est que non content de courir « d’un bout à l’autre de ton corps (…) le souffle au cœur le souffre au corps » le voici parlant au féminin, « Je suis la femme », toutes les femmes, la proie, la reine, l’amie, la compagne. Celle qu’on adore, celle qu’on révère, celle qui fait peur, celle qu’on aime. La sacrée, la terre et la mer, et aussi sa part masculine. Qu’à travers le héros Hercule qui secrètement selon lui, n’a qu’une envie, c’est d’être femme, le voici, lui, Gilles, se mettant dans la peau d’une femme… jusqu’à ce qu’une affolante érection ne le rappelle à la réalité… Alors « Il pleure, pleure à chaudes larmes. »
Parce que, quand il parle de ses imperfections, de son amour offert et refusé parfois, sensuel et charnel, de la tendresse qui n’en finit pas, du souvenir qui ne s’oublie jamais, il touche chacun d’entre nous de son humanité profonde.
En cadeau en rappel, la poignante Un homme dort dehors.
Le site de Gilles Roucaute, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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