Serge Llado c’est d’just Waouh !
Vous ne connaissez pas Llado ? Mais si, souvenez vous. Vous étiez auditeurs de « Rien à cirer » sur France-Inter, à la grande époque où la radio d’Etat se destinait à « ceux qui avaient quelque chose entre les oreilles ». Vous l’avez parfois suivi sur Europe1 durant ses neuf années de chroniques humoristico-musicales quotidiennes, toujours avec son complice Ruquier. Et, la saison dernière, vous dressiez l’oreille vers la matinale de France Bleu Roussillon où Llado revendiquait le fait de se mêler de ce qui ne le regardait pas. Pour notre plus grand plaisir, il s’en mêle toujours et en a même écrit un spectacle. Dont la primeur fut donnée au Forum Léo-Ferré.
Comment vous expliquer la méthode Llado? Un rire intelligent, mêlant amour des mots et de la musique. Les mots, ils les aiment tant qu’il jongle avec, les triture, les entrechoque, les lance à un public actif qui réagit, hilare, à toutes ses facéties. Llado est un réel détonateur de rire généreux et de plaisir communicatif. Il se surprend parfois, se fait rire lui même, mais par dessus tout, jubile et se délecte, l’oeil pétillant, des réactions d’un public conquis. Habile dans l’art de la contrepèterie « elle a souvent connue ma chère, l’amer bitume de la route et vu des carrioles sans mulets... » Il excelle dans le sous-entendu. Avec lui, on est prévenu: « on est toujours à la limite du bon goût sans jamais tomber dedans ! » C’est très exagéré… On notera même que le catalan moustachu se laisse aller parfois, scandaleusement, à l’émotion et la finesse : Les tuiles du préau et sa nostalgie de la période de l’école primaire, ou bien L’heure vieille, poème en vers évoquant son enfance et rendant hommage à son Papé. Mais aussi, avec Mercenaire du spectacle, chanson sur les cabarets qu’il connaît par cœur pour s’y produire depuis tant d’années et y avoir croisé tous ses maîtres, au Caveau de la République, au Port du salut… et plus récemment au Don Camillo. C’est tout justement dans la grande tradition des chansonniers, qu’il suit et brocarde l’actualité, introduisant dans ce spectacle le duo de marionnettes Sarko et Carla : Carla interprète une de ses chansons entrecoupée d’interventions de Sarko prises à l’occasion de ses différentes allocutions médiatiques. Hollande en prend aussi pour son grade. Le président aura droit à Mec si beau ?, parodie d’un célèbre titre de Luis Mariano, chanson sur les mystérieux et supposés charmes présidentiels.
Tandis qu’avec Plongée sous Marine, Llado prend un plaisir non dissimulé à nous reparler de la ridicule chute de Marine Le Pen dans une piscine vide. La chanson se termine par « Aïe ! Louis Alliot voilà » (pour la pronconciation, révisez « Aïli, aïlo Aïla ! »). Nous y voilà : Llado jongle habilement avec les absurdités et les atrocités de la vie pour mieux en rire, comme pour exorciser les noirceurs et la bêtise ambiante contemporaine. Un rire jamais innocent, qui laisse percevoir de vraies valeurs humanistes dont nous avons tant besoin en ces temps tourmentés.
Depuis toujours, la musique et la chanson passionnent Llado. Il est un grand admirateur de Brassens, saluant d’ailleurs la présence ce soir de l’ami Jean Paul Sermonte des « Amis de Georges ». Il puise son inspiration dans tout ce que la musique offre de diversité, des Beatles aux Daft Punk, de la variété au classique… Sa culture musicale ne semble pas avoir de limites et il possède un don exceptionnel pour débusquer les chansons qui se ressemblent. Par exemple, il marie à merveille Prendre un enfant par la main avec « la chenille qui redémarre », ce qui devient évident à l’écoute.
Encore plus fort, Llado est un mage que nous promouvons au rang de grand Maître de l’Acousmie (peu d’artistes se sont vus remettre cette distinction). Llado possède un don surnaturel (nous le soupçonnons aussi de travailler un petit peu… bien que Perpignanais) pour nous faire percevoir des paroles de chansons qui n’existent pas vraiment. Vous n’en croyez pas vos oreilles ? C’est normal. Il provoque des hallucinations auditives qui ne vous lâcheront plus. On aura l’impression que les Daft Punk nous chantent « saloperie de Kinder surprise » ou bien que Céline Dion tombe de cheval « En bas de ma selle »(All by myself). Vous aurez compris le principe.
L’animal chantant est capable de nous faire passer près de deux heures de rire à un rythme effréné. Il ne s’économise pas sur scène et le public le lui rend bien. La performance vaut le détour. Pour résumer, avec une expression ridicule, à la mode, que l’artiste lui même affectionne tout particulièrement, et qui à elle seule condense toute la richesse, la pertinence et la puissance de l‘émotion ressentie : « Serge Llado c’est d’just Waouh ! »
Le site de Serge Llado, c’est ici ; toutes les photos de Vincent Capraro sur Serge Llado, c’est là.
Comment résumer Serge Llado en un simple article ?
J’avoue que Vincent Capraro s’en est sorti au mieux. Mais Llado c’est plus encore que ça. Pour chaque mot il faudrait une phrase, pour chaque phrase, un livre. La partie visible de l’iceberg est ici fort bien traitée, mais il existe un tel potentiel, une telle réserve de ressources chez cet érudit de la musique, de la chanson, des lettres et de la culture en général, qu’il est bien difficile d’en cerner les contours surprenants. Il faudrait aussi ajouter les qualités humaines du personnage, ouvert, fidèle et généreux, qualités rares dans ce monde où l’égo occupe souvent la place du cœur.
Comme tu as raison Michel! Serge est bien plus que ça. Je me suis fait la même réflexion en écrivant l’article. Concernant sa passion pour la chanson et son érudition j’ai bien envie de lui proposer une petite (ou longue) interview pour nosenchanteurs. Il en a des choses à nous raconter … Enfin pour ses qualités humaines de générosité de simplicité de convivialité et de fidéllité j’ai pu en vérifier la réalité à maintes reprises depuis quelques années. J’ai beaucoup de respect et d’amitié pour cet homme là et pour sa compagne qui sont des gens charmants qui donnent chaud au coeur. Ces rencontres sont précieuses et nous encouragent à continuer à croire en ce que nous faisons .
C’est en effet un homme rare, simple, chaleureux, à mille lieux du showbiz, un artisan du verbe et de la musique. Le côtoyer vous ressource et vous envoie un bol d’airs et de bons mots.
Je l’ai connu sur un bateau où il a fait un tabac rappelé plusieurs fois, emporté par la houle.
Amoureux de la bonne chère, du rire entre amis et des vannes toujours drôles, toujours fines et jamais méchantes. Si jeune malgré tout… qu’au début, je croyais que son nom était dû à une faute de frappe et qu’il fallait remplacer le second L par une apostrophe.