Marc Gicquel sur les traces de Reggiani
Reggianissimo, 5 mars 2016 au Stella Ciné à Baugé,
Changement d’herbage pour NosEnchanteurs : nous sommes cette fois en terres angevines. Au Stella Ciné de Baugé (superbe salle associative de deux cents fauteuils – un bijou, vraiment – tenue par une exemplaire équipe de bénévoles) où, dans un grand dépouillement, Marc Gicquel nous fait passer la soirée en compagnie de Serge Reggiani, ce Barbier de Belleville qui ne fut jamais à son grand dam ni Rossini ni Caruso. Le Reggianissimo de Gicquel est à plus d’un titre (vingt-sept tout de même) intéressant.
Ce n’est pas le spectacle d’un fan non. Mais il est évident que Reggiani fut pour Gicquel un compagnon de route, un ami lointain. Et le reste. C’est avec grand soin, grande précision, que l’angevin rend hommage à L’Italien. Si ce spectacle n’est pas le déroulé de vie de Reggiani, reste qu’il en reprend des éléments biographiques, des traces elles aussi présentes dans ses chansons. Avec sur la table en bord de scène une bouteille de vin, histoire d’encore boire à sa santé. Sur le grand écran à un moment donné un passage de Vincent, François, Paul et les autres, de Claude Sautet, histoire de faire son cinéma et d’introduire La Chanson de Paul…
On pourra toujours noter qu’en chantant Reggiani on interprète plus interprète que soi, reste que ces chanson lui collent à la peau et sont peut-être plus authentiques encore que si Reggiani les avaient lui-même écrites. La chanson de Paul (« Ce soir je bois… »), Le petit garçon ou les Mensonges d’un père à son fils (trois chansons de Dabadie, quatre avec L’Italien, peut-être les plus belles…), c’est Reggiani, son adn, sa respiration, la quintessence de sa vie et de son œuvre. Son émotion. Ses rencontres. C’est dans ce registre intime, bouleversant, que puise Gicquel. Dans les drames, le doute, la désillusion et l’absolue mélancolie, dans cette vie qu’est comme une dent, avec son mal et ses mots, et qu’enfin on arrache. Par des chansons illustres comme par d’autres que la postérité n’a pas su retenir.
Le respect anime Marc Gicquel. Trop peut-être. Trop le souci d’informer, de ne rien oublier, pas même les rôles de Reggiani au théâtre (comme dans Les justes d’Albert Camus et Les séquestrés d’Altona dont il tire des tirades). Ça fige un peu alors que la vie est un grand cirque qui sans doute supporte qu’on la bouscule un peu, qu’on en sape la hiérarchie, la chronologie. Reste l’émotion, comme une constante, une empreinte de vie. Que Gicquel sait, même s’il semble s’en méfier, nous restituer jusqu’à l’os : « Attends, je sais des histoires / Il était une fois… / Je n’ai plus de mémoire, tu sais / Ne pleure pas… » Les mots certes parlent d’eux-mêmes mais ne peuvent taire le talent de l’interprète, ci-devant Marc Gicquel, dont la modestie tranche avec l’intensité des mots. Et celui de son complice pianiste, remarquable Christian Boutin à qui on offrirait bien, à titre de service rendu, un piano, un vrai, à queue. Il le mérite.
Le site de Marc Gicquel, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de Marc Gicquel, c’est là.
« Reggiani est l’auteur de 200 chansons qu’il n’a pas écrites », comme disait-l ‘autre… Oui, mais qui..? Envoyez vos réponses à la rédaction et gagnez un séjour tous frais payés (nourri-logé-blanchi) chez Michel Kemper en personne.
Georges Moustaki ! C’est ça ?