Ferré chez lui avec Brel et Brassens
Reprises, toujours… Cette fois-ci au Forum Léo-Ferré avec un quasi-festival : Jacques Brel, Léo Ferré et Georges Brassens, la sainte trinité. Pour copies plus ou moins conformes : Bruno Brel, Francesca Solleville et Yves Uzureau. La magie a fait recette deux soirs de suite.
Brel, le neveu, n’est pas un habitué du Forum : ce fut même la première fois. Il serait sage que cette vénérable institution de la Chanson l’invite pour son répertoire en propre, qu’on sache l’auteur qu’il est aussi.
Brel en scène, donc. Lequel ? Mis à part le tour de taille Brel est Brel, c’est génétique. Même voix, même tessiture. Des attitudes et mimiques cousines. Faut-il que Bruno se farde pour se détacher de Brel ? Car c’est souvent troublant. D’aucuns parleront d’imitation alors que ça n’en est pas : c’est simplement de famille. Et si le choix du répertoire va dans le plus connu il correspond simplement aux chansons de son oncle que Brel aime chanter, qui lui sont naturelles. Comme Bruxelles. Mais là ou Jacques gueule « Y’avait mon grand-père / Y’avait ma grand-mère », Bruno chante « Mon arrière grand-père / Mon arrière grand-mère »… Si c’est dans la théâtralité de son oncle que Bruno s’exprime le plus souvent (Ces gens-là, Le moribond, Les bourgeois, Madeleine), parfois avec accessoires, c’est néanmoins par Fils de que le neveu est le plus émouvant. À cœur nu.
Solleville n’est certes pas la nièce de Léo, mais elle est de sa famille de cœur, d’audaces, de tripes. Dans la famille « Le poing levé », elle doit en être la fille. En 1959, il et elle font cause et scène communes : Léo lui donne tout, le droit de tout chanter ce qui lui appartient. Ce qu’elle fait encore cinquante-six ans après. Fidèle, pour le coup moins orageuse mais bien plus poétique. A Ferré elle associe Caussimon, MacOrlan, Aragon bien sûr, qu’il a tous chanté. Nous fait-elle Ferré ? Nullement : elle chante Ferré, elle, l’interprète au nombre d’auteurs considérable, tous du meilleur cru. Merde à Vauban, Comme à Ostende, L’affiche rouge, La fille des bois, Tu n’en reviendras pas, Il n’aurait fallu… il n’y a plus que la douceur et le poésie des mots dans une interprétation de haute volée. Francesca était là particulièrement en forme : son florilège n’en était que plus beau, plus bouleversant.
Des interprètes de Brassens il y en a mille et cent. Rarement ils n’ont su nous faire oublier Brassens. Uzureau, oui et c’est un prodige, une prouesse. La démarque est manifeste : Yves Uzureau n’est pas né à Sète, ne porte pas de moustache en tablier de sapeur et ne fume pas la pipe, il s’approprie seulement une des plus beaux beaux répertoires de la chanson française avec une grande liberté, non quant aux paroles mais quant à l’interprétation, aux arrangements, aux orchestrations. Quitte à parfois bousculer l’adn des notes. Et à théâtraliser, trop peut-être, encore qu’on peut ne pas s’en lasser, en redemander. A secouer Brassens, il nous en apprend même sur lui, par la lecture de ses chansons. Le marché de Brive-la-Gaillarde, L’orage, La marche nuptiale, La route aux quatre chansons, Mysoginie à part, Le fossoyeur, Brave Margot, Le gorille… tout est bon, tout est bonheur dans ces interprétations inspirées. Nettement un cran au-dessus du lot de la plupart des repreneurs du vieux.
A ce beau monde, ces trois artistes, ajoutons dans nos applaudissements leurs musiciens respectifs : Martial Dancourt, Nathalie Fortin et Pierre Debienne, tous excellents.
Le site de Bruno Brel, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Le site de Francesca Solleville, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle c’est là. Le site d’Yves Uzureau, c’est là ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
Deux très belles soirées en effet, grâce au talent des chanteurs et de leurs accompagnateurs. En outre, des spectateurs, venus pour l’un(e) ou l’autre des artistes ont eu ainsi l’occasion de découvrir des interprètes qu’ils ne connaissaient pas. Enfin, c’est un plaisir d’assister à un spectacle dans une salle comme celle-ci où l’on peut parler avec des inconnus, simplement parce qu’on a partagé les mêmes émotions.