Prix Moustaki : Eskelina nous la sort bonne
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C’est un amphithéâtre bondé qui accueillait donc sous l’égide de la Sorbonne la finale du Prix Moustaki, sixième édition du nom. Les mauvaises langues glisseraient même perfidement que la salle était aussi bourrée que certains membres éminents du jury, mais vous nous connaissez, chers Enlecteurs, nous ne sommes pas du genre à apporter du vin de l’eau à ce moulin-là… Toujours est-il que NosEnchanteurs étaient dignement représentés, avec pas moins de trois membres émérites de la rédaction dans la salle, sans compter d’anciens collaborateurs qui ne sont jamais loin dans nos cœurs… Le monde de la Chanson est une petite famille !
Quoi qu’il en soit, il était évident qu’un nouveau cap a été passé pour le Prix Moustaki, qui doté d’une organisation sans failles et d’une technique de scène bien plus adaptée, joue désormais résolument dans la cour des grands et se donne petit à petit les moyens de ses belles ambitions. Grâce en soit rendue à l’équipe dirigeante, Matthias Vincenot, Thierry Cadet et Amélie Dumas, ainsi qu’aux bénévoles, aussi adorables qu’efficaces.
Présentée de bien agréable façon par Yvan Cujious, par ailleurs chanteur et homme de radio, la soirée était placée sous le haut patronage de Kent et Oldelaf, ainsi que sous le logo stylisé de la belle moustache bienveillante de Moustaki…
C’est la pétulante Anastasia qui ouvrait le bal, fièrement harnachée de sa belle guitare électrique rouge sang, encadrée de ses talentueux comparses à la batterie et à la contrebasse. Sa belle voix rauque et syncopée groovant comme un jus de goyave gouleyant, elle enchaîne impeccablement ses deux titres, Amazone et C’était pas simple. Une coiffure à la Arielle Dombasle, mais une présence à la Patti Smith, ce qui, convenons-en, vaut bien mieux que l’inverse… Bref, ça tourne et ça tombe nickel, un peu trop peut-être en termes d’émotion, pour certains.
Très attendue, par une partie du public (et du jury), la toute jeune Pauline Drand (photo ci-dessous) prend le relais sur scène, en duo guitare / guitare électrique. La voix et le personnage évoquent un peu les débuts de Keren Ann, avec un joli timbre un peu diaphane, à la limite du neurasthénique, dirait d’autres, même… Bref, c’est joli, mais comme dirait Éric Rohmer (et ce n’est pas Clio qui nous contredira), on aurait aimé trouver d’avantage Pauline à la page.
Petit frisson dans l’assemblée alors que monte sur scène Eskelina, entourée de sa contrebassiste Nolwenn Leizour et de son guitariste Christophe Bastien, transfuge de Debout sur le zinc (DSLZ pour les intimes…) C’est sans doute l’artiste qui a le plus l’expérience de la scène ce soir, et pourtant celle qui dégage le plus de fraîcheur et de spontanéité. Avec toujours ce délicieux petit accent suédois et cet émouvant vibrato lorsque monte la voix, elle nous gratifie de deux très beaux titres, Désordre et L’amoureuse, texte cru et tendre à la fois avec ses délicates espagnolades arabisantes et sa lente montée hypnotique. Cela fonctionne très bien, et elle emporte le public sans coup férir. Bref, nous tenons là sans conteste la future grande gagnante du Prix Moustaki. Hein, quoi ? Non, je n’ai rien dit.
Changement radical de style avec Hi Cowboy, duo composé de Syrile au chant et de son acolyte aux guitares électriques, synthés, machines, boites à rythmes et autres lap top. Chemise de cowgirl, jean étroit et petites bottines bicolores, micro-écho porté sur la hanche dans un holster (un holster de l’Ouest, forcément…), la chanteuse dont l a petite bouille n’est pas sans évoquer celle de Gréco jeune (souvenez-vous !) délivre une chanson-électro-pop de bon aloi, entre empilements de nappes sonores lancinantes et beats hypnotiques. Évoquant tantôt Robi ou Dani, tantôt Eli & Jacno ou Vilaine Fermière Mylène Farmer, la voix est parfois à la limite de la justesse mais (heureusement ?) se perd parfois un peu dans la musique. Bref, gageons que ce n’est pas bien grave…
C’est Orso Jesenska qui prend la suite avec deux jolis titres folk un peu minimalistes à la guitare acoustique, accompagné par un saxophone ténor, puis soprano, un peu à la Brandford Marsalis, pour les Enlecteurs jazzeux qui nous liraient et que je salue ici bien confraternellement… Si l’intro du premier morceau fait irrésistiblement penser au groupe Trois minutes sur mer, la voix et le phrasé du chanteur ne peuvent pas ne pas évoquer irrésistiblement Dominique A. Mêmes intonations, même vibrato, même phrasé un peu mat, c’est très beau mais, l’avouerais-je, cela en devient presque gênant… Bref, soyons honnête, une différence flagrante, tout de même : bien plus de cheveux et bien plus de barbe que le nantais glabre.
Au tour de François Puyalto de se produire devant nous, dans une formule des plus dépouillées, puisque il s’accompagne lui-même à la basse électrique. Sideman reconnu auprès d’artistes talentueux (Bertrand Belin, Armelle Dumoulin, Emily Loizeau ou la trop rare Alexandra Gatica), nous le retrouvons dans un répertoire très personnel et un peu déstabilisant. D’une belle voix grave bien posée s’aventurant parfois sans filet dans de belles hauteurs, il nous offre des chansons funambules graciles, pourtant bien ancrées dans une belle épure sonore. Entre griot et guitar héro, un jeu de basse parfois percussif pour un répertoire déstructuré, un peu expérimental et dissonant, mais finalement très touchant… Bref, un beau combat vocal entre quatre cordes.
C’est enfin au tour du groupe Zo d’investir la scène de l’amphithéâtre Malesherbes. Guitare, basse électrique, clavier, guitare électrique et batterie, ils sont cinq à se produire, mais paradoxalement semblent avoir moins de présence que leurs prédécesseurs sur les planches… L’ensemble, sorte de chanson-folk évoquant un peu Joe Dassin (si, si…) n’est pas désagréable, mais tombe parfois dans une certaine facilité, par exemple sur cette tentative infructueuse de faire chanter au public un refrain empli de lalalala. Bref, j’eusse aimé pouvoir écrire que sous les projecteurs, dans une ambiance animale, Zo devint scène, mais bon…
Avant les votes du public et du jury, nous aurons encore le plaisir de retrouver Liz Van Deuq, lauréate de l’édition passée, venue très simplement découvrir les finalistes et témoigner de ce que le prix Moustaki lui avait apporté tout au long de cette année…
Histoire de prendre quelques forces avant les délibérations, Oldelaf nous gratifie de deux titres, l’impayable Tristitude, ainsi que Les mains froides, dans un registre plus tendre et personnel.
Bref, si vous avez lu attentivement les lignes qui précèdent (et j’ai les noms de ceux qui ne suivent pas !), vous aurez compris que, sans surprise, Eskelina est la grande gagnante de ce soir, remportant non seulement le Prix du Jury mais également le Prix du Public, avec un mélange de surprise, de joie et de simplicité non feintes qui font tout son charme. Nous lui souhaitons bien évidemment moult bonnes choses à venir pour la suite de sa carrière, sans aucunes craintes à ce sujet.
Et demain est un autre jour…
Compte-rendu fidèle de cette belle soirée… Comme l’auteur l’a souligné, il a d’emblée paru évident qu’Eskelina remporterait, sans vraie surprise, cette édition… Personnellement, j’ai beaucoup aimé les ambiances proposées par Hi Cow Boy, avec une basse très inspirée de Joy division je trouve… et François Puyalto, que j’ai vu à de nombreuses reprises aux côtés d’Emily Loizeau mais que je n’ai reconnu qu’après coup. Je lui ai donné mon vote plutôt qu’à Eskelina (car j’étais d’ores et déjà persuadé de sa victoire finale) parce que j’ai été très impressionné par sa décontraction et sa présence scénique, ainsi que par la maîtrise de son instrument et l’univers un peu inhabituel de ses chansons.