Yvan Marc, ours mais pas trop
Du fond de son Meygal, en Haute-Loire, il est comme un ermite de la Chanson, terré en sa tanière. Un peu comme on se plait à le dire de Francis Cabrel : à bien des titres, on peut sinon comparer au moins associer les deux. « Je ne suis qu’un ours, un grizzli / Je retourne aux sources de ce qui faisait nos vies d’ours / Je redeviens l’ours, un grizzli / Lassé de la course / De nos insatiables envies… » nous chante-t-il. Le tiendra-t-on à présent, lui le mal rasé, pour ursidé ? Malgré cette chanson et les indices de ce disque, ce serait erreur. Ne serait-ce parce qu’en lieu et place d’hiberner Yvan Marc sort son nouvel album. Et qu’à bien l’écouter il n’est que miel, pas grognements ou pas trop ; on n’ose dire nounours mais pas loin… Sa vie d’ours, les nôtres, c’est paradoxalement celles modernes, de nos villes, de nos écrans, repliées sur soi, rétives aux autres, peut être sans amours, comme autant d’ours mal léchés. De ses montagnes sans wifi il en est loin, respirant la vie à pleins poumons… « La terre je l’aime trop pour la blesser / Je veux la rendre plus belle… »
Sixième album pour celui qui est né à nos oreilles dans le sillage de son copain et voisin Mickaël Furnon. La trace a changée et l’artisan qu’est Yvan Marc ne doit plus rien à la culture Mickey, labourant un sillon assez unique, si ce n’est justement Cabrel et l’autre auvergnat de la Chanson qu’est Murat, dans une sorte de folk-song mâtiné de rock.. Ici les paysages et les éléments amènent et élèvent les sentiments. C’est dans son antre qu’il écrit ses chansons : elles en sont imprégnées, sentent la terre « qu’on se sait plus aimer » et le bois, les forêts, « le respect pour le blé et la main qui le veille », respirent le bon sens.
C’est fou ce que cet album à peine volcanique, serein, fait du bien. Il est excellent, certes, et nous n’y reviendrons pas. Musical, charriant qui plus est des textes aboutis, réfléchis. Mélodique, tant dans les notes que dans la voix qui définitivement a perdu sa sécheresse, sa rugosité d’antan, pour câliner la musique qu’elle inspire.
Sorti depuis une quinzaine de jours, ce nouvel album d’Yvan Marc a pour lui une presse très favorable, dithyrambique même : le souvenir – ça aide – d’un qui fut le temps d’un album en distribution chez Virgin. Presse qui tranche avec le peu de points de chute de ses concerts, uniquement dans sa sphère, dans son aire. Ni dans le showbiz (il y a là pourtant des tubes potentiels) ni dans son contraire, d’aucun cercle, si ce n’est ceux d’amitié, de fidélité et de proximité. C’est bien et dommage à la fois : il est véritablement un des artistes les plus intéressants de la Chanson, ses albums qui se succèdent formant peu à peu œuvre d’importance. Professionnel qu’il est par ailleurs du socio-culturel, de l’éducation populaire, Yvan Marc se sent bien dans ce format de convivialité, de vraie vie. Ses chansons fédèrent les générations : il suffit de bien les écouter pour comprendre pourquoi : coulent dans leurs rimes des mots simples et sincères, agencés comme une ode à la vie. Et l’amour aussi.
Yvan Marc, Nos vies d’ours, 2016. Le site d’Yvan Marc, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. En concert le 23 février 2016 à La Ricamarie (42), le 11 mars à Saint-Etienne (42), le 22 à Saint-Priest (69), le 9 avril à Coubon (43), le 15 à Epinac (71), le 29 à Aurillac (15), le 11 mai Aurec (43), le 27 à Mornant (69), le 21 juin à Montbrison (42), le 23 au Chambon Feugerolles (42).
Vu à Ecotay, lors des Polysons il y a quelques jours : bravo Yvan Marc !
« La cuisine », « Des chiens, des humains », « La grève », « A bout de bras », « La cerise » et maintenant « Nos vies d’ours »… Il ne fait pas de bruit, pas assez, mais fait son chemin, se bonifiant sans cesse. Je suis d’accord avec vous : c’est surprenant qu’il ne soit pas beaucoup programmé. Que ce soit dans la variété ou dans la chanson-de-qualité, Yvan Marc a sa place : on ne la lui offre pas. Que font les festivals qui disent aimer la chanson ?