Eddy Mitchell, quand c’est fini ça recommence
Il avait juré craché et fait ses adieux à la scène. Sa « dernière séance » eut lieu le 5 septembre 2011 à l’Olympia, après un an de tournée. Le public, souvenez-vous, était resté longtemps, debout, après le dernier rappel dans l’attente d’on ne sait quoi qui prolonge plus encore l’historique moment. Et Monsieur Eddy de lui lancer : « Faut rentrer maintenant, c’est fini. Repos. Et vous pouvez fumer. » Rideau.
Eddy Mitchell ne s’était par contre pas interdit de faire de nouveaux disques : il a tenu parole. Big Band est son deuxième album après le coup de semonce que furent ses adieux.
Depuis il a bien refait le chanteur sur scène, à Bercy, mais c’était avec ses amis Dutronc et Hallyday, trois papys rockeurs, vieilles canailles, pour un récital forcément d’anthologie.
C’est dur, savez-vous, de vraiment raccrocher. De se dire qu’il n’y aura plus d’après, à Saint-Germain des prés ou ailleurs. Alors Monsieur Eddy mange sa promesse et sera sur scène au Palais des Sports, à Paris, à partir du 15 mars. Chanteur qui s’en dédie.
A son âge et à l’heure qu’il est, Eddy Mitchell est difficilement encore rockeur, avec ou sans noires chaussettes. La barbe blanche lui va bien, comme une valeur ajoutée, et le monsieur plus que jamais fait le crooner. Il a l’art et la manière, c’est en lui, c’est agréable.
Cet album se veut rendre hommage au jazz. Fasciné qu’il est par cette Amérique des années soixante, Eddy Mitchell y chante dans l’entame son admiration pour Franck Sinatra : « Chanteur adulé / Maffieux vénéré / Acteur respecté / Voire même oscarisé / Crooner langoureux / Buveur, chanceux / Joueur invétéré / De Casinos en clubs privés […] Tu passes et parfois tu casses / Comble d’excès / Tu chantes My way. »
A l’époque du Golf Drouot, pourtant dingue de Sinatra, Eddy devait surfer comme tant d’autres (et notamment son pote et rival Johnny) sur la vague Elvis. Cette passion du crooner américain, cet âge d’or, il l’a gardé, intacte. Qu’à sa manière il restitue, non dans un copié-collé, mais dans des chansons toutes de sa plume (dont deux adaptations américaines) sur des musiques de son fidèle Papadiamandis. Rien que le visuel donne le ton, très Cotton-Club, très jazz, très rutilante comme l’est l’orchestration (de la trompette au saxo, on compte pas moins de quatorze cuivres).
Dans son Amérique un rien fantasmée, Eddy Mitchell y chante une autre figure, autre légende : Martin Luther King, « Leader incontesté / Homme de bonne volonté / Épris de liberté / Prônant l’égalité. » Comme s’il prolongeait son précédent album consacrés aux Héros.
Estimable album d’un chanteur qui prolonge agréablement sa carrière dans ce qu’il sait faire de meilleur. C’est pas demain la veille, bon dieu, de ses adieux.
Eddy Mitchell, Big Band, Polydor/Universal 2015. Le site d’Eddy Mitchell, c’est là.
Il a bien fait de ne pas tenir sa promesse, Bravo M’sieur Eddy !