Claude Semal… un artiste qui se mouille
Ce n’est pas tous les jours que l’on a l’occasion de partager la salle de bains d’un artiste ! Vingt ans que nous attendions ça, que nous rêvions que Claude Semal rouvre enfin les robinets de sa douche et nous offre de nouveau ses odes entre quelques ablutions publiques. Le retour tant attendu s’est fait en cette fin 2015 au théâtre des Martyrs à Bruxelles pour quinze représentations. Cela valait bien un voyage de plus de cinq cents kilomètres, belle occasion de clore cette année peu réjouissante sur une note humoristique.
Spectacle mythique et fondateur de « l’esprit Semal », Odes à ma douche fut créé il y a trente ans, joué plus de cinq mois durant à Bruxelles, présenté plus de 300 fois dans toute la francophonie et salué au Printemps de Bourges comme révélation en 1988. Ce tour de chant iconoclaste fut, à l’époque, une petite révolution. Claude Semal avait depuis poursuivi sa route entre chanson, théâtre, marionnettes et cinéma, sans compter maintes chroniques et articles de presse, naviguant entre humour et tendresse, absurdité et férocité, apologie et critique de la belgitude.
Nous voilà donc plongés dans l’intimité de ce clown exhibitionniste, surgissant nu de sa douche, célébrant l’onanisme (Je m’aime) ou les joies de l’acné (Sproutch). Une fois le décor posé et les présentations faites, ce «bouffon» malicieux nous balade dans son univers : portraits tendres et justes avec La jeune fille à la friture ou la silhouette fragile d’une vieille dame arpentant Le cimetière des chiens. Toutes les facettes de Claude Semal sont ici présentes, clins d’œil absurdes à l’écologie pour l’amour fou d’une Baleine aux seins bleus ou les rêveries d’un poulet surgelé (Je suis une paire de cuisses), chansons au vitriol sur ce plat pays qui est le sien, écornant avec férocité ses coutumes, ses travers et sa royauté (Noble B et Majesté). La tendresse est bien sûr au rendez-vous avec tout doux tout en finesse. D’autres sujets plus graves tels que le cancer ou la mort y sont abordés avec humour (Né pour mourir). Bien que trentenaires, certains titres, par leurs thèmes, sont criants d’actualité: obsession de la sécurité et dérive répressive (Ma nouvelle carte d’identité), exil et migration avec le parcours de Mon copain Kamel avec, en filigrane cette question: le monde a-t-il vraiment changé ou est ce nous qui changeons ? Sommes-nous fidèles à nos convictions ? Tel est le propos de cette magnifique chanson qu’est Devenir vieux.
Claude Semal est un de ces rares artistes qui peut nous faire passer du rire aux larmes, de l’émotion à la jubilation, à la fois truculent, mélancolique, surréaliste, révolté, citoyen, engagé. Odes à ma douche, spectacle emblématique, en est la plus éloquente démonstration. En attendant que, peut-être, de nouvelles représentations en soient données, suivez l’actualité de cet « anartiste » inimitable, dont l’œuvre est de plus en plus indispensable et salutaire pour lutter contre la haine, la bêtise et la morosité ambiante.
Claude Semal, Odes à ma douche, 2015, Production Dis’que Tu Veux & Théâtre du Chien Ecrasé (Belgique). Le site de Claude Semal, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
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